Le studio Bagouet de l’Agora est encore baigné de la lumière estivale d’une fin d’après-midi montpelliéraine. Pour sa dernière création, We learned a lot at our own funeral, Daina Ashbee a laissé les rideaux grands ouverts. Tandis que son interprète principale, Momo Shimada, se familiarise au sol avec ce public qui aura tôt fait de l’entourer, la chorégraphe canadienne et sa complice Imara Bosco vont discrètement à la rencontre des spectateurs. Qu’ils le veuillent ou non, ils seront partie prenante de cette pièce : les artistes ont requis leurs voix pour psalmodier ensemble un « Om » de méditation qui, soutenu par les enceintes, prend bientôt de l’ampleur avant d’être interrompu net.
Alors peut commencer la performance, si tant est qu’on en laisse quelque chose apparaître. Les fenêtres soudain occultées, Daina Ashbee choisit en effet l’obscurité la plus totale. Son pari est simple, faire que la vue des spectateurs s’adapte à la faveur des quelques sources lumineuses persistantes. La signalisation des sorties de secours attirent nécessairement le regard, c’est tout ce qu’il reste à voir. Le reste se devine à peine par les yeux, s’imagine par les sons… Quand reviendra enfin la lumière, Momo Shimada aura quitté ses vêtements et dévoilé les dalles de pierre jusque-là dissimulées sous le tapis noir. Comme dans un état de transition infini, la performeuse passe ainsi du sol à l’élévation, des mouvements abstraits aux figures de breakdance. Pendant ce temps, Imara Bosco continue d’évoluer parmi les spectateurs. Elle utilise son corps comme caisse de résonance de l’étrange rituel qui se déroule devant eux.
Car la cérémonie à laquelle est convié le public est avant tout une expérience collective autour de la mort et de ses apprentissages. Dans We learned a lot at our own funeral, Daina Ashbee envisage son art comme fédérateur en espérant convoquer un état de transe qui serait partagé. Mais des « Om » aux hurlements qui accompagnent sa tentative, la chorégraphe mène une recherche performative particulièrement hermétique qui devient presque sa propre caricature… difficile de penser que le public y est finalement essentiel.
Peter Avondo
We learned a lot at our own funeral de Daina Ashbee
Festival Montpellier Danse
Du 3 au 5 juillet 2024
Durée 1h
Direction artistique et chorégraphie de Daina Ashbee
avec Momo Shimada
Regard extérieur – Gabriel Nieto
Assistante de répétitions – Imara Bosco
Lumières de Vito Walter