Voix rauques, personnalités bien trempées, les chanteuses du rock, quelles soient vénéneuses, sulfureuses ou antisystèmes, envoûtent et ensorcèlent tout en portant haut la voix des femmes, des minorités. Avec respect, facétie, Jean-Claude Gallotta s’empare de cette matière brute, féroce et signe un spectacle hommage virevoltant, transgenre, qui se perd parfois en dissonance et digression.
Après avoir parcouru les musiques électrisées par les guitares basses qui ont accompagnées son adolescence grenobloise, exclusivement portées par des voix masculines chaudes ou feutrées dans son endiablé My Rock, Jean-Claude Gallotta nous invite à une balade dans l’univers féminin du rock. De la belle Nico à la voix rauque à l’inclassable Janis Joplin en passant par l’incandescente Betty Davis et l’androgyne Patti Smith, le chorégraphe conte sa passion pour les femmes et tout particulièrement pour ces chanteuses si singulières, ces égéries, ces artistes surdouées qui ont, sans se soucier de leur image, clamer haut et fort leur féminité, leur engagement, leur sensualité.
Adaptant son concept de spectacle Juke-box, Jean-Claude Gallotta nous entraîne dans un tourbillon de notes où se télescope des partitions de toute sorte allant du funk à la soul en passant par le rock progressiste teinté de jazz et le punk. S’appuyant sur les mélodies énergiques d’artistes survoltées, il signe un ballet dynamique, frénétique, hypnotique, qui pour coller aux dissonances des accords flirte parfois avec la dysharmonie et la cacophonie.
Si au niveau chorégraphique tout n’est pas transcendant, il faut reconnaître à l’homme à la silhouette longiligne, un talent incomparable pour nous faire découvrir des pépites musicales. Et c’est l’une des grandes forces de ce spectacle, un brin bavard. Tout comme dans son premier opus, rien de très révolutionnaire, mais des fulgurances, de très beaux moments portés par des danseurs admirables qui offrent sans limite leurs corps aux envolées rocks, sur-vitaminées de ce show « gallottien ».
Dépassant les codes, les genres, Jean-Claude Gallotta s’autorise, avec finesse et ingéniosité, toutes les digressions. Mettant son talent aux services des femmes et de leur parole, il signe un spectacle hommage, une pièce chorégraphique engagée et féministe où les danseuses portent pantalon et les hommes escarpins.
Ébloui par quelques tableaux particulièrement envoûtants, on est surtout subjugué par la folie délurée de Georgia Ives, immense en Nina Hagen, la présence scénique vibrante du duo immémorial Thierry Verger–Béatrice Warrand et l’agilité gracile et vibrante de Gaetano Vaccario. Sans surprise, My Ladies Rock séduit par l’incroyable énergie déployée par des interprètes totalement investis et la beauté des morceaux choisis par Gallotta. Et cela suffit amplement à valoir le détour. En somme, une friandise à savourer avec un plaisir certain.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
My ladies rock de Jean-Claude Gallotta
Théâtre du Rond-Point – Salle Renaud-Barrault
2 bis avenue Franklin Roosevelt
75008 Paris
jusqu’au 4 février 2018
du mardi au dimanche à 18h30 – relâche : les lundis, les 21 et 28 janvier 2018
durée : 1h15
Chorégraphie de Jean-Claude Gallotta assisté de Mathilde Altaraz
Avec les danseurs du Groupe Émile Dubois : Agnès Canova, Paul Gouëllo, Ibrahim Guétissi, Georgia Ives, Fuxi Li, Bernardita Moya Alcalde, Lilou Niang, Jérémy Silvetti, Gaetano Vaccaro, Thierry Verger, Béatrice Warrand
Texte et dramaturgie : Claude-Henri Buffard
Scénographie et images de Jeanne Dard
Lumière de Dominique Zape
Montage vidéo de Benjamin Croizy
Costumes de Marion Mercier assistée d’Anne Jonathan, Jacques Schiotto
Musique additionnelle de Benjamin Croizy, Strigall
Avec les musiques de : Marianne Faithfull, Tina Turner, Wanda Jackson, Brenda Lee, Joan Baez, Lizzy Mercier Descloux, Nico, Laurie Anderson, Aretha Franklin, Patti Smith, Betty Davis, Janis Joplin, Siouxsie And The Banshee
Crédit photos © Giovanni Cittadini Cesi / Crédit illustration © Stéphane Trapier