Le visuel de Faisons corps, exposition à découvrir jusqu’au 4 janvier 2025 au MAIF Social Club, attrape le regard. Deux corps en chiffon sont assis l’un sur l’autre dans le plus simple appareil. Faits de plis et de replis, les deux mannequins de coton affichent de belles rondeurs roses, charnues, douces, dans lesquelles on a envie de se perdre. Lean on me, de la photographe et plasticienne Daisy Collingridge, est un portrait de ses parents. « Derrière cet aspect singulier d’amas de chair qui peut rappeler la barbe à papa, elle souhaite avant tout faire ressortir l’ambiance douillette qui se dégage du couple », explique Florent Héridel, responsable de la programmation du lieu.
Le corps dans tous ses états
Le ton est donné. Ici, pas de corps formatés, musclés, bodybuildés, mais d’autres représentations sociales, politiques et culturelles de notre enveloppe charnelle. Certains sont monstrueux, d’autres bioniques. Rien de lisse, d’évident, mais plutôt des évocations d’une entité capable de s’exprimer, bien au-delà de la parole.
La première installation que l’on voit en pénétrant dans l’espace scénique pensé par Klapisch scénographes, est un corps de femme écorchée. Que se cache-t-il sous la peau ? Des muscles, des organes, mais pas que. « L’objet imaginé par Roxane Andres est plus politique que cela, souligne Florent Héridel. Tapisserie tissée mains, faite de morceaux hétéroclites et bariolés, cette œuvre dénonce l’invisibilisation des femmes dans un monde créé par et pour les hommes, et plus spécifiquement ici son absence en tant qu’objet d’étude dans le champ de la médecine. »
Dépasser les a priori, aller au-delà des apparences, s’aventurer dans des mécanismes de pensées hors de la norme, c’est le choix assumé de Florent Héridel et de Nawal Bakouri, la commissaire de l’exposition. « Au départ, explique le responsable de la programmation, on nous a fait la demande d’imaginer quelque chose en lien avec les JO. Mais traiter la question du sport, nous l’avions déjà fait, il fallait donc chercher ailleurs. Et très vite, nous avons eu l’idée de travailler du vivre ensemble. C’est d’autant plus nécessaire que dans nos sociétés normées et excluantes. »
Dépasser les préjugés
Sièges ergonomiques imaginés par Stéphanie Marin pour évoquer les problèmes de santé liés au travail, prothèses en métal sculptées par Sophie De Oliviera Barata pour affirmer sa personnalité au-delà du handicap, structure en bleu et rose pensée par Nicolas Guiet à partir du nombre d’or de Le Corbusier, c’est à dire conçu sur la base d’un humain d’un mètre et 83 centimètres, éliminant de facto une grande partie de la population, autoportrait d’Andrea Scholze façon yéti dégoulinant pour montrer à quel point l’environnement néfaste et angoissant transforme notre propre vision de nous-même, tampons XXL de Barthelémy Toguo évoquant la difficulté des migrants d’obtenir le droit d’asile ou sculpture hyperréaliste représentant le fils de l’artiste Elisabeth Daynes, qui regarde l’image en relief de Tourmai, une doyenne de l’humanité, pour évoquer les normes à travers le temps : autant d’œuvres qui questionnent notre rapport au monde, notre rapport aux autres, notre rapport à la société.
Ludique, ingénieuse, Faisons corps joue de nos perceptions, de nos certitudes et de nos préjugés. À travers une quinzaine d’œuvres, le MAIF Social Club transforme notre regard et invite à voir autrement.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Exposition Faisons corps
jusqu’au 4 janvier 2025
Entrée libre
MAIF Social Club
37 rue de Turenne, Paris 3e