Benjamin Dupé © Comme je l'entends
Benjamin Dupé © DR

Benjamin Dupé, un opéra au bord de l’eau 

Dans le cadre du Festival de Marseille, le compositeur et musicien invite avec "(f)riou(l), opéra maritime" à une balade lyrique au fil de l’eau. 

Benjamin Dupé : En 2021, il y a eu un appel à manifestation d’intérêt du ministère de la Culture qui s’appelait Monde nouveau. L’objectif était d’inviter des artistes à réaliser le projet de leur rêve. La seule contrainte était de créer une œuvre, quelle que soit la discipline, en lien avec un monument historique faisant partie des Centre des monuments internationaux, ou en rapport avec un site remarquable du Conservatoire du Littoral. Cela m’a tout de suite parlé. J’ai eu l’intuition qu’il était possible, par ce biais, de connecter mes deux passions : la musique, qui est mon métier, et la navigation, que je pratique assidûment depuis que je vis à Marseille. Assez vite, un projet, c’est formé autour de l’Archipel du Frioul, un des premiers lieux que j’ai visité quand je me suis installé dans la cité phocéenne dans les années 2010. C’est un site absolument remarquable, magique et préservé, clairement un lieu d’inspiration. De ce souvenir, est née l’idée d’un geste artistique in situ qui se nourrirait de la géographie des lieux, de la poésie qui s’en dégage, de son acoustique singulière, mais aussi de l’histoire de cet archipel à quelques encablures du centre-ville de Marseille. Je crois que cela allait dans le sens du travail que je développe depuis une quinzaine d’années, inventer une autre forme, de nouveaux rapports entre les interprètes sur les rochers et les spectateurs sur de petites embarcations. 

(f)riou(l) Opéra maritime de Benjamin Dupé © Comme je l'entends
© Comme je l’entends

Benjamin Dupé : Quand je parle de relations avec le public, c’est à la fois au moment de la représentation, bien sûr, de proposer une expérience totale et différente du concert frontal dans une maison d’opéra, mais c’est aussi tout le processus de création qui m’a permis de rencontrer et de frotter mon univers artistique avec de nombreuses personnes que je n’aurais pas croisées dans un cadre classique. En effet, pour ce projet, je suis allé à la rencontre, notamment, des gardes du Parc National des Calanques, des pêcheurs, que ce soit les usagers des archipels ou que ce soit les membres des sociétés nautiques qui naviguent pour la plaisance. Il est important, pour moi, de nouer ces contacts qui auraient été improbables normalement. 

Benjamin Dupé : Principalement autour de deux choses. Il y a eu d’une part un travail d’imprégnation du lieu, qui est vraiment un temps de contemplation, de vécu. Tout le temps du processus créatif, je suis allé, quelle que soit la saison, ressentir l’atmosphère des îles du Frioul, sentir les vibrations, écouter les sonorités naturelles, celles de l’eau, du vent, des oiseaux. Et d’autre part, il y a aussi un travail de collectage et de documentation. J’ai beaucoup lu autour de l’archipel, j’ai pris le temps d’aller à la rencontre de spécialistes en tout genre, des historiens, des botanistes, des géologues, etc. J’ai essayé à ma façon d’ apprivoiser ces îles. La musique, telle que je l’écris, est le fruit d’un ensemble de choses tant poétiques et émotionnelles que subjectives. Ensuite, il a fallu s’adapter aux contraintes acoustiques de créer en extérieur — le clapotis de l’eau, les cris des oiseaux. J’ai souhaité une musique perméable et poreuse à l’environnement naturel.

(f)riou(l) Opéra maritime de Benjamin Dupé © Comme je l'entends
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Benjamin Dupé : Ce n’est clairement pas simple, car on dépend de la météo. Nous avons donc procédé en plusieurs phases. Dans un premier temps, j’ai travaillé avec les gardes du parc des Calanques, qui m’ont accompagné dans mes randonnées et mes crapahutages. Ce fut assez physique, il y a certains reliefs assez abrupts. Ensuite, il y a la phase d’écriture qui s’est faite à la table. Puis, je suis allé avec deux ou trois musiciens tester l’acoustique. Eux étaient sur les rochers et moi sur une barque. Dans les dernières phases d’écriture, nous avec pu répéter au GMEM, le Centre national de création musicale de Marseille, avant, depuis une semaine, de travailler enfin in situ. Pour le coup, nous avons eu pas mal de chance : ni trop de vent, ni trop de houle. L’équipe avec qui je travaille a été incroyable, car répéter dans ces conditions singulières, c’est loin d’être facile et de tout repos. Mais c’est quand même assez magique.

Benjamin Dupé : Avec, certains, oui, nous travaillons ensemble depuis une dizaine d’années. Avec, d’autres, pas du tout. Par exemple la mezzo-soprano, Pauline Sikirdji, je l’avais bien sûr entendue chanter. J’avais très envie de l’inviter sur un de mes projets. C’est maintenant chose faite. 

Benjamin Dupé : Je dirais que ce sont des tableaux qui vont évoquer un certain nombre d’aspects de ces îles que l’on ne connaît pas forcément, même si on habite Marseille, ce qui est somme toute assez surprenant. En fait, l’archipel du Frioul se trouve au cœur du parc des Calanques, mais on se situe toujours dans la ville de Marseille. C’est ça qui m’a plu et que je trouve assez extraordinaire. On est en pleine nature et on va pouvoir écouter une expérience esthétique, qui met en lumière ces île tout en apprenant des petites choses sur l’histoire de ces îles. Il y a d’ailleurs un certain nombre d’anecdotes assez fascinantes que les spectateurs pourront découvrir. Je n’en dis pas plus. Il faut garder un peu de mystère, de rêve. 

(f)riou(l) Opéra maritime de Benjamin Dupé © Comme je l'entends
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Benjamin Dupé :  Avant d’avoir vocation à n’être que dans un seul lieu, elle a avant tout vocation à exister, et comme elle dépend des éléments naturels et de la météo, rien n’est encore sûr. S’il y a trop de houle, on ne pourra pas effectuer cette cérémonie. Ensuite, c’est une règle qu’il faut accepter quand on travaille dans un espace naturel ou public : ce n’est pas forcément reproductible ailleurs. Mais c’est aussi un concept et un savoir-faire qui se construit au fil du processus de création que d’envisager de décliner l’œuvre, ou du moins une partie, ailleurs. C’est ensuite une question d’adaptation. Il y a par exemple des points communs entre les différentes îles de Méditerranée, que ce soit celles de la Corse, de la Tunisie, de la Grèce ou de la Côte d’Azur. En fonction de ce que donnera cette création, on espère avoir l’occasion de redéployer le projet d’une manière certes un petit peu différente sur d’autres sites. Qui sait ? 


(f)riou(l), un opéra maritime de Benjamin Dupé
Festival de Marseille
du 21 au 23 juin 2024

Durée 3h dont 1h de spectacle et 2h de traversée

Conception, musique et direction artistique de Benjamin Dupé
Livret et dramaturgie, d’après un travail de collectage auprès de spécialistes et d’usagers de Benjamin Dupé
Avec Pauline Sikirdji (mezzo-soprano), Pierre Baux (voix), Quatuor Tana (violons, alto, violoncelle), Laurent Mariusse (percussion), Claire Marzullo (flûte), Mathieu Steffanus (clarinette basse), Madeleine Mitchell (violon) 
Direction technique – Julien Frénois
Assistanat à la mise en scène et scénographie Vérane Kauffmann

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