Maria-Carmela Mini © Julien Pebrel
Maria-Carmela Mini © Julien Pebrel

Maria-Carmela Mini : “La 22e édition de Latitudes Contemporaines sera à 80% féminine »

À quelques jours de l’ouverture du festival lillois qui se tiendra du 7 au 28 juin 2024, sa directrice invite à découvrir ia programmation pluridisciplinaire, internationale et engagée de cette 22e édition.

Maria-Carmela Mini : Le festival est né en 2003 à la demande de l’adjointe à la culture en place à cette période, Catherine Cullen. Il s’agissait de créer un festival dédié à la danse contemporaine et ouvert aux nouvelles générations, aux artistes émergent·es et aux formes innovantes de la danse contemporaine. À mesure des éditions, la programmation a évolué, et conformément au choix du nom “Latitudes Contemporaines” on a souhaité coller encore davantage à une création qui se fabrique dans le temps présent, au plus près des formes émergentes. Sa dimension internationale a été désirée et mise en place dès le départ. Cela demande d’avoir un œil partout, d’être à l’écoute de toutes les fabrications, des évolutions et de tout ce qui se modifie dans la création artistique dans le monde.

œ de Pierre Pontvianne © Cie Parc
œ de Pierre Pontvianne © Cie Parc

Maria-Carmela Mini : Latitudes Contemporaines prend place sur la métropole européenne de Lille au moment où les autres lieux culturels terminent leur saison. Le festival ouvre la période des festivals et propose une prolongation pointue de la saison culturelle sur la métropole. Pour cela, nous nous appuyons sur plusieurs partenaires de Lille Métropole : l’Opéra de Lille, les lieux culturels de la ville de Lille, Loos, Roubaix, des partenaires comme la Rose des Vents ou le théâtre de l’Oiseau-Mouche. Tous les ans, de nouveaux partenaires nous sollicitent et nous essayons de construire des projets avec chacun d’entre eux. Cette année, pour la première fois, nous accueillerons du spectacle vivant à l’Aéronef, la scène de musiques actuelles de Lille.

Nous proposons également des projets dans l’espace public ou des lieux atypiques, comme le couvent des Dominicains, des parcs, des jardins, etc. Latitudes Contemporaines propose d’une part sa programmation émergent et internationale, et vient d’autre part en complémentarité des propositions faites par les autres structures culturelles. Nous essayons d’offrir une diversité et une pluralité de propositions artistiques afin que le public ait accès à une diversité des formes artistiques la plus large possible. À ce titre, nous sommes subventionnés et donc particulièrement attentifs à bien restituer ce travail de service public de la culture.

Maria-Carmela Mini : Depuis sa création, le festival se dédie aux formes artistiques dans lesquelles le corps est engagé, d’un point de vue performatif, mais aussi d’un point de vue social et politique. C’est ainsi que le festival est passé d’un festival de danse à un festival de la scène contemporaine internationale. Ce changement est dû aux artistes avec qui nous travaillons main dans la main et qui se sont affranchi·es des cloisons qui pouvaient persister entre les médiums artistiques. D’édition en édition, nous avons précisé notre volonté et souhaité présenter de plus en plus de créations mettant en avant les sujets qui traversent les sociétés à l’échelle internationale : la parité homme-femme, la représentation des diversités culturelles, le développement durable, l’inclusion et de représentation des minorités culturelles, de genre ou des personnes en situation de handicap, etc. Comme nous les accueillons de l’international, les artistes peuvent proposer des sujets liés à la situation ou des préoccupations liées à leur pays. L’ADN du festival, c’est également de réaliser un travail de médiation et de développement des publics toute l’année, il est primordial pour nous que ce qui se déroule sur scène et dans la salle soit représentatif de la société et que tout le monde puisse s’y reconnaître. 

Black Lights de Mathilde Monnier © M. Coudrais
Black Lights de Mathilde Monnier © M. Coudrais

Je construis la programmation à mesure des spectacles que je vais voir toute l’année ou des rencontres et échanges que je peux avoir avec les artistes. J’essaie d’être à l’écoute des mouvements qui s’opèrent à la fois dans la création, mais aussi dans les sociétés. Les artistes sont souvent à l’avant-garde de sujets qui vont émerger et traverser le corps social, c’est cette écoute que j’essaye d’avoir.

Avec les artistes pour guides, je vois ensuite émerger un récit, une cohérence de programmation. Je ne parle jamais de fil rouge ou de thématique, mais plutôt de récit. Je construis la programmation comme un·e commissaire d’exposition qui va s’emparer d’un sujet et construire un récit dans lequel le public pourra faire son propre chemin et mener sa propre réflexion. Mon travail consiste à lui donner la vision la plus large possible, c’est à dire de ne pas être dogmatique. Cela est d’autant plus important lorsque l’on touche à des sujets sensibles : il faut que le public conserve sa liberté de penser et je ne suis pas là pour lui donner des leçons. J’espère juste lui offrir les éléments de réflexion et lui donner à entendre des échos du monde. 

Hatched Ensemble de Pamela Nyamza © Mark Wessels
Hatched Ensemble de Pamela Nyamza © Mark Wessels

Maria-Carmela Mini : Cette année, j’ai voulu donner une grande place à la création écrite par des artistes femmes. Il me semblait important de montrer la richesse et la force des créatrices. Cela est d’autant plus important que la question de la parité dans la programmation en France n’avance pas très vite, et ce malgré les invitations, les incitations et les venues du ministère de la Culture, des fédérations et des syndicats. Ma présidence de la fédération France Festivals me permet une vision globale de la situation au niveau national : je peux dire qu’il y a encore beaucoup d’efforts à faire pour arriver à une parité. 

Dans cette 22édition, près de 80 % de la programmation sera féminine (contre 36% à l’échelle nationale*). Il y aura beaucoup de temps forts, car ces créatrices sont des femmes très engagées sur les sujets sociétaux et elles illustrent à travers leurs créations leurs combats, leurs engagements et leur investissement dans la société. Il n’est donc pas facile de choisir entre, par exemple, Hatched Ensemble, création de l’activiste et militante sud-africaine Mamela Nyamza qui par son travail rend visible les femmes d’ethnies différentes, ou Diana Niepce, qui dans Anda Diana prouve sa volonté de danser coûte que coûte, malgré son handicap qui fait suite à une chute. Je pourrais citer tous les spectacles et toutes les femmes engagées qui font un travail extraordinaire. Nous avons en outre organisé beaucoup de concerts et de fêtes, car c’est aussi cela l’esprit du festival. Même si nous abordons des sujets sérieux, ils sont souvent abordés avec espoir, avec humour, et les fêtes sont là pour réunir le public dans la joie du partage, comme un trait d’union, ces moments nous permettent de rencontrer le public différemment, en dansant ensemble, public, artistes, partenaires et l’équipe du festival. 


Lattitudes contemporaines
du 7 au au 28 juin 2024

* À l’échelle nationale, 36% seulement de spectacles programmés étaient mis en scène par des femmes en 2023 – Observatoire de l’égalité entre femmes et hommes dans la culture et la communication. Rapport publié par le DEPS du ministère de la Culture, mars 2023 

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