Gardant la noirceur de l’épopée hugolienne, William Mesguich s’empare des Misérables pour en livrer une version musicale, recentrée sur le personnage vibrant de Cosette, passionnément habitée par la chanteuse Estelle Andréa. Mêlant comptines pour enfants et envolées lyriques, tragédie et comédie romantique, il signe un spectacle touchant qui séduit de 6 à 77 ans. Un conte théâtral captivant.
Une immense croix se dessine sur le sol. Elle scintille délicatement dans la pénombre. Dans l’obscurité, une silhouette fluette apparaît. C’est Cosette (intense Estelle Andréa). Elle vient se recueillir sur la tombe de son père, le singulier Jean Valjean (épatant Julien Clément). De sa douce voix, légèrement fêlée par l’émotion, elle entonne une chansonnette, dernier hommage à celui qui l’a élevée, qui l’a sortie de la misère. Rien n’a été épargné à la jolie jeune enfant. Sa mère, la douce Fantine, qui doit travailler dur pour lui offrir le meilleur, la laisse en garde chez les Thénardier, des tenanciers d’une auberge de campagne. Ces derniers, surtout la mère (excellente et hillarante Magali Paliès), s’avèrent d’odieux monstres, qui se servent de la jeune et malingre fillette comme d’un souffre-douleur, d’une domestique. Avant de mourir, Fantine confie sa fille à Monsieur Madeleine, alias Jean Valjean, qui, par compassion, décide d’offrir, à la chétive Cosette, une vie de rêve, loin de l’horreur, de l’indigence et de la pauvreté. Devenue une charmante Demoiselle, oubliant les épreuves, elle trouvera l’amour et la félicité dans les bras du ténébreux Marius (remarquable Oscar Clark).
Avec fougue et empathie, William Mesguich, en collaboration avec Charlotte Escamez, plonge dans le roman-fleuve d’Hugo pour en extraire un concentré passionnant, bouleversant. Se concentrant sur le personnage de la jeune Cosette, sans fioritures, avec quelques ustensiles et les magnifiques dessins de Sényphine, il recrée l’atmosphère noire du drame romantique, lui ajoutant une pointe d’optimisme qui séduit les enfants, principaux spectateurs de cette nouvelle adaptation des Misérables. Passant de la taverne des Thénardier aux barricades qui bloquent les rues de Paris en juin 1832, du jardin du Luxembourg au salon cossu de monsieur Madeleine, il nous entraîne au cœur de cette France au bord de l’insurrection, où pauvres et marginaux, rebuts d’une société intransigeante, dominée par la finance, l’aristocratie et la position sociale, rêvent de République et d’un monde plus égalitaire.
Evitant toute référence à la comédie musicale de Claude-Michel Schönberg, William Mesguich s’appuie ingénieusement sur les douces compositions musicales d’Oscar Clark et signe une fable musicale intense, poignante, un brin enfantine, qui n’a rien à envier à sa grande sœur plus flamboyante. Offrant à la jeune génération une belle entrée en matière dans la prose hugolienne, leur insufflant avec doigté les idéaux républicains, il passe de la comédie au drame, de la facétie à la tragédie, avec une facilité déconcertante séduisant autant les enfants que les adultes.
Porté par une belle distribution, dont la soprano Estelle Andréa en est la magique pierre angulaire, Misérables, le spectacle musical, est divertissement à savourer en famille, un moment de théâtre, fait de bric et de broc, mais dont la belle facture, a tout pour plaire. Bravo !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
D’après Les Misérables de Victor Hugo
créé en novembre à l’espace Paris Plaine
3, Rue du Général Guillaumat
75015 Paris
Durée environ 1h
Un spectacle théâtral et musical à partir de 6 ans
Mise en scène William Mesguich
Adaptation théâtrale de Charlotte Escamez
Avec la troupe du Théâtre de l’Etreinte : Estelle Andrea, Oscar Clark, Julien Clément, Magali Paliès
Composition musicale d’ Oscar Clark
Illustrations de Sényphine
Crédit photos © Sényphine Camille Ansquer