Requiem(s) d'Angelin Preljocaj © Didier Philispart
© Didier Philispart

« Requiem(s) » : Preljocaj danse la mort dans tous ses états 

À la Villette avant une belle tournée européenne et une halte à Montpellier Danse en juillet, le chorégraphe aixois explore le deuil dans une succession de tableaux aussi crépusculaires qu’explosifs.

Sous la voûte de fer et de verre de la Grande Halle plongée dans la pénombre, les décibels explosent en mille éclats de musique métal. Convoquant la mort à grands bruits, Angelin Preljocaj revisite, avec sa troupe virtuose de vingt interprètes, les rites de deuil de l’Égypte ancienne à nos jours sans oublier d’emprunter, aux contes et légendes, leur onirisme sépulcral. Reines de la nuit, princes des ténèbres et autres vestales sacrifiées sur l’autel de la vie envahissent le plateau, défient la grande faucheuse, virevoltent et dansent jusqu’à l’épuisement. 

Corps suspendus dans des nasses, rondes des trépassés, vanités tout juste suggérées, êtres tiraillés entre le monde des vivants et des morts, rituels de passage vers l’au-delà, le chorégraphe multiplie les allégories et déploie une écriture généreuse et extrêmement exigeante. Multipliant les références, il esquisse une grande fresque dansée et kaléidoscopique qui enchaîne et superpose les tableaux, lesquels se voient sublimés par les lumières d’Éric Soyer. Solos, pas de deux ou danses de groupe, gestes précis exécutés à la perfection et mouvements saccadés transforment la scène en espace d’outre-tombe où les vivants tentent de retenir les mourants, les âmes errantes tourmentent ceux qui ne sont pas encore trépassés et des bacchanales s’organisent en enfer.

Extrêmement visuel et plastique, Requiem(s) est autant une réflexion sur les différentes manières d’appréhender le deuil à travers les cultures et les âges qu’une manière de narguer ou de braver, c’est selon, la mort et ses séides. Bien que le côté très fragmenté de l’œuvre empêche l’élan poétique de prendre son envol et de totalement embarquer les spectateurs dans sa transe joyeuse et mortifère, le choix musical très éclectique, allant des requiems de Ligeti et de Mozart, aux assourdissantes symphonies du groupe américain System of a Down, a de quoi surprendre et tenir en haleine. C’est la voix de Gilles Deleuze évoquant « la honte d’être homme » qui finit de cueillir le public.

Des morts de la peste au XVIe siècle à celles, innommables, survenues dans les camps de concentration, sans oublier les décès inexpliqués et les agonies survenues au bout d’une longue maladie, Angelin Preljocaj souffle le chaud et le froid, navigue en terre de contraste et signe un ballet en noir et blanc alternant entre le prévisible et l’inattendu.


Requiem(s) d’Angelin Preljocaj
Grande Halle de la Villette en partenariat avec Chaillot – Théâtre national de la Danse
211 Av. Jean Jaurès
75019 Paris
jusqu’au 6 juin 2024
Durée 1h30

Tournée
04 au 06 juillet 2024 au Corum, Festival Montpellier danse 2024, Montpellier
12 juillet 2024 à l’Opéra de Vichy
04 et 05 octobre 2024 à L’Archipel, Perpignan
12 octobre 2024 au Carré, Ste Maxime
16 au 19 octobre 2024 au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
20 et 21 novembre 2024 à La Coursive, La Rochelle
30 novembre 2024 à Cannes, Palais des Festivals
04 décembre 2024 au Teatro Comunale Pavarotti-Freni, Modena, Italie
18 au 22 décembre 2024 au Théâtre de Caen
06 au 09 février 2025 aux Gémeaux – Scène nationale de Sceaux
12 au 19 mars 2025 à l’Opéra Royal du Château de Versailles
03 au 05 avril 2025 à l’Opéra de Rouen, France
13 et 14 avril 2025 au Megaron Athènes Concert Hall, Athènes, Grèce
09 et 10 mai 2025 au Teatros del Canal, Madrid, Espagne

13 mai 2025 à l’Auditorium, Dijon
16 et 17 mai 2025 à l’Équilibre, Fribourg, Suisse
juillet 2025 à Vaison Danses

Chorégraphie d’Angelin Preljocaj
Musique de G.Ligeti, W.A.Mozart, System of a Down, J-S.Bach, H.Guðnadóttir, G.Deleuze, Chants médiévaux (anonymes), O.Messiaen, G.F Haas & J.Jóhannsson, 79D
Avec Lucile Boulay, Elliot Bussinet, Araceli Caro Regalon, Leonardo Cremaschi, Lucia Deville, Isabel García López, Mar Gómez Ballester, Paul-David Gonto, Béatrice La Fata, Tommaso Marchignoli, Théa Martin, Víctor Martínez Cáliz, Ygraine Miller-Zahnke, Max Pelillo, Agathe Peluso, Romain Renaud, Mireia Reyes Valenciano, Redi Shtylla, Micol Taiana
Lumières d’Éric Soyer
Costumes d’Eleonora Peronetti
Vidéo deNicolas Clauss
Scénographie d’Adrien Chalgard
Assistant, adjoint à la direction artistique – Youri Aharon Van den Bosch
Assistante répétitrice – Cécile Médour

Choréologue – Dany Lévêque

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