L’affiche est bien alléchante. Traverser l’Atlantique, pousser les portes, ne serait ce qu’un instant, du mythique Musée d’art moderne de New York lors d’une simple balade dans le bois de Boulogne ça fait rêver, un peu trop d’ailleurs. Inévitablement, malgré nombre de chefs d’œuvres, la dernière exposition de la Fondation Louis-Vuitton a tout du teaser, un goût de trop peu, de pas assez. Dommage.
Les affiches, en 4 par 3, représentant les tableaux phares du MoMA, le musée d’art moderne de New York, recouvrent les murs du métro. Un Signac par-ci, un Picasso par-là, un Warhol, un Klimt et un Lichtenstein pour compléter l’ensemble parfaitement aligné, tout est fait pour nous donner l’envie de prendre au plus vite le chemin de la Fondation Louis-Vuitton, située en plein cœur du bois de Boulogne. Le droit d’entrée, un brin exorbitant (16 euros), refroidit quelque peu nos ardeurs. Faisant fi de ce détail pécuniaire, qui est loin d’en être un, on se laisse guider avec fièvre dans les couloirs labyrinthiques et chronologiques de ce bateau de verre signé Frank Gehry.
Disons le tout net, on est, dès les premières salles, fasciné par les œuvres que le MoMA, en rénovation jusqu’en 2019, a confié à la fondation privée pour cette exposition exceptionnelle. Dans une scénographie dépouillée, peu de pièces par salle, le Baigneur de Cézanne nous accueille. Haute stature, couleur bleutée, il trône en majesté, entouré d’un Hopper et d’un Picasso. Imperceptiblement, on pénètre dans l’histoire du célèbre établissement. Au fil des tableaux, des sculptures, on remonte le fil des acquisitions de 1929, date de la création du musée, jusqu’à nos jours. Ainsi, 200 œuvres nous permettent d’appréhender l’évolution de l’art depuis la fin du XIXe siècle.
Séduit par la beauté épurée de l’oiseau dans l’espace de Brancusi, par la puissance d’un autoportrait de Frida Kahlo, par l’étrangeté d’une photographie de Man Ray, par l’éblouissante palette de couleurs du portrait de M. Félix Fénéon de Signac, par l’étonnant jeu de textures et de teintes de Rothko, par la fascinante série d’images de Cindy Sherman, par l’évocation fugace, prégnante, du 11 septembre de Richter, par la force vibrante d’Untitled de Kerry James Marschall, enfin par la bouleversante expérience sonore imaginée par Janett Cardiff, on se laisse porter du pointillisme au cubisme, en passant par le Pop Art, le Fluxus et le Picture Generation.
Très vite, une étrange sensation de manque se fait sentir. Si tous ces chefs d’œuvre réunis, véritable concentré de ce qui s’est fait de mieux en un peu plus d’un siècle d’art, captivent, il y a comme un goût de trop peu, de vide. En décidant de se concentrer sur l’évolution chronologique d’une galerie transformée au fil des ans en l’un des plus impressionnants musées du monde, par la simple volonté de trois New-Yorkaises fortunées ne sachant que faire de leur argent, les Commissaires de l’exposition ont tiré à la marge n’exhibant aux yeux des visiteurs français qu’une toile, qu’une sculpture par maître.
Toutefois, ne boudons pas notre plaisir. Chacune des pièces exposées est intense, profonde, elle nous entraîne dans un univers créatif bouleversant, passionnant. On aurait, certes aimé un plus de matière, mais c’est déjà pas si mal un voyage quasi-immobile, de la grosse pomme aux portes de Paris.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Être moderne : le MoMA à Paris
Fondation Louis-Vuitton
8 Avenue du Mahatma Gandhi
75116 Paris
jusqu’au 5 mars 2018
ouvert le lundi, mercredi et jeudi de 11h à 20H, le vendredi de 11h à 21h (à 23h les soirs de nocturnes) & le samedi et dimanche de 9h à 21H. Exceptionnellement ouvert le mardi de 11h à 21h du 23 décembre au 8 janvier 2018.
Prix 16 euros