Comment s’inscrit cette manifestation, qui fête cette année ses 35 ans, dans la saison du CDN ?
Maëlle Poésy : Je vois le festival comme le cœur battant de la saison. Il regroupe tout ce qui irrigue la programmation et le projet artistique que je porte depuis maintenant trois ans. Dans les différentes propositions que nous accueillons ou que nous présentons, nous essayons de combiner des spectacles qui travaillent la porosité avec la ville et des créations internationales qu’il me tient très à cœur de montrer au public dijonnais. J’accorde aussi une grande importance aux expériences plastiques, que ce soit dans la forme visuelle ou dans l’écriture. Il est également important que ce temps fort permette de découvrir l’émergence, qu’il s’agisse de jeunes comédiennes et comédiens ou de metteuses et metteurs en scène dont ce sont les premières œuvres au plateau. Cela tout en laissant leur part à des artistes plus confirmés. J’ai ainsi un peu l’impression que le festival déploie, en un temps resserré de dix jours, le cœur de l’identité que je tente d’impulser au CDN. Cela permet aux spectateurs de vivre le théâtre autrement, comme un voyage sur deux ou trois jours, plutôt que comme des sauts épisodiques sur l’année.
Comment le festival a-t-il évolué depuis votre arrivée à Dijon ?
Maëlle Poésy : Tout en gardant des similarités avec la manifestation originelle, dédiée à l’émergence, puis celle imaginée par Benoît Lambert et Sophie Chesne, qui faisait des ponts de compagnonnage entre des artistes reconnus et d’autres au début de leur carrière, j’ai souhaité que le festival s’intéresse notamment à l’hybridation des formes de plus en plus présente au plateau. Se confronter à des esthétismes très différents est une gageure à laquelle je suis très attachée. Ainsi, si l’émergence reste l’un de axes fort du festival, il n’en est plus totalement le cœur.
Pour cette édition 2024, y a-t-il un fil rouge ?
Maëlle Poésy : Je dirais le sujet de l’héritage. Comment nous définit-il ? Dont-on le faire perdurer, le protéger ou le détruire ? Comment, finalement, regarde-t-on vers l’avenir ? J’ai l’impression que dans les différentes thématiques qui sont abordées, il y a aussi la notion de lien entre histoires intimes et collectives, la manière dont elles se conjuguent et se confrontent. Par ailleurs, la plupart des spectacles sont des traversées, des parcours qui interrogent notre capacité à nous affranchir des conventions et notre éducation. Il y a comme un aller-retour entre hier et aujourd’hui afin d’appréhender comment le passé constitue et questionne les êtres aujourd’hui.
Si vous deviez définir des temps forts ou des moments singuliers de ce festival, quels seraient-ils ?
Maëlle Poésy : Sans hésiter, je dirais Le Karaoké des auteur·ices initié par Kevin Keiss, auteur associé au CDN. C’est non seulement un temps fort du festival, mais aussi de la saison en termes d’écritures contemporaines. Depuis que nous l’avons instauré, c’est toujours un moment assez festif de rencontres avec le public. Cette année, il constituera un temps de partage entre festivaliers et dramaturges autour de chansons qui ont marqué leur vie. En amont de l’événement, une dizaine de spectateurs sont ainsi invités à raconter à un auteur ou une autrice en lien avec le CDN un souvenir en lien avec une chanson. De ce moment d’échange naîtra un texte qui sera lu au moment du karaoké. Mêlant ainsi récits et chansons des auteur·ices et du public, la soirée devrait permettre de former une communauté éphémère et sensible autour des enjeux de l’écriture contemporaine, de se rassembler. À l’issue de la soirée, le Parvis Saint-Jean se transformera en parquet de bal pour prolonger la fête jusqu’au bout de la nuit.
J’ajouterais, dans les moments importants du festival, Radio en mai, pilotée par Alexandre Plank et Making Waves. Animées en direct et en public par Aude Lavigne, ces émissions, pensées comme des performances qui alternent entre chroniques, rencontres et témoignages de spectateur·rices, font écho quotidiennement au festival. Cela fait partie de l’ADN de la manifestation, partager avec le public les processus de création. Bien que la plupart des programmes seront diffusés depuis le cœur du festival, le parvis Saint-Jean, certaines émissions seront délocalisées pour aller à la rencontre des festivaliers. C’est toujours le partage qui est au cœur de ce moment phare de la saison culturelle dijonnaise.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Théâtre en mai
Théâtre Dijon Bourgogne – CDN
Parvis Saint-Jean
rue Danton
21000 Dijon
du 17 au 26 mai 2024