Pour sa nouvelle création, le directeur du ThéâtredelaCité à Toulouse retrouve avec fidélité la plume d’Ivan Viripaev. Avec une troupe composée des interprètes issus du programme de professionnalisation L’AtelierCité, Galin Stoev s’empare du texte de l’auteur russe pour développer un récit à voix multiples qui se situe entre la narration et l’action. Car c’est précisément ce que permet la pièce Illusions, avec cette histoire racontée à la troisième personne de deux couples d’octogénaires qui, voyant la fin arriver, ne résistent pas à dire enfin toute la vérité… ou presque.
Grâce à une écriture qui se pose avant tout en spectatrice d’une action déjà terminée, la pièce ouvre une distance possible entre les voix qui racontent et celles qui vivent. De cette manière, Galin Stoev porte au plateau un objet qui, sans nier tout à fait son aspect de spectacle de fin d’école, va chercher dans la construction, les rapports et les énergies de quoi alimenter une création qui s’équilibre rapidement. Dans la distribution et la direction d’acteurs autant que dans son utilisation de l’espace, le metteur en scène opte pour une démarche qui va à l’essentiel. Laissant ainsi toute sa place au texte – déjà particulièrement précis dans la traduction de Tania Moguilevskaia et Gilles Morel –, il semble se poser en contradiction à celui-ci, dont les méandres narratifs traversent les mensonges, les non-dits et les dissimulations.
Les histoires d’A
Car ce qui apparaît au premier abord comme le simple récit d’une histoire d’amour, avec tout ce qu’elle peut comporter de légèreté et de tendresse, finit bien vite par composer quelque chose de plus complexe, plus lourd aussi. Accolant les uns aux autres de multiples épisodes surgis du passé, Illusions dresse peu à peu le portrait confidentiel de ces deux couples confrontés à la question de la sincérité et de la force de leurs sentiments. Une âme de vaudeville planerait presque au-dessus de cette pièce, tant les situations virent inexorablement à l’incongru. Pourtant, la jeunesse et la fougue des sept interprètes au plateau, venus porter un discours qui ne les touche pas – ou pas encore –, créent un détachement qui laisse poindre une certaine mélancolie.
Et Galin Stoev de s’amuser de cette nouvelle dimension apportée à la pièce de Viripaev, n’hésitant pas à y trouver des espaces de liberté qui voyagent entre l’intime et le commun, entre les passés réels et fantasmés. Dans ces Illusions, ce qui a déjà eu lieu ne peut pas être modifié. La manière dont on les raconte et ce que l’on choisit d’en dire ou de taire, en revanche, sont des éléments sur lesquels on peut encore agir. N’est-ce pas précisément ce que permet le théâtre ? Au travers de cette pièce, le metteur en scène boucle la boucle d’une création pertinente, déployée autour de ces deux invariables que sont le texte et le jeu. Le directeur du ThéâtredelaCité y offre aux jeunes interprètes de L’AtelierCité une vaste palette de registres et d’interprétations, dans une déclaration d’amour sous-jacente au théâtre. De ces Illusions poignent finalement joie et optimisme !
Peter Avondo, envoyé spécial à Toulouse
Illusions d’Ivan Viripaev
ThéâtredelaCité CDN de Toulouse
Du 23 avril au 7 mai 2024
Durée 1h30
Tournée
Du 18 au 20 mai au Théâtre Mansart pour Théâtre en Mai / Théâtre Dijon Bourgogne
Texte Ivan Viripaev
Traduction française Tania Moguilevskaia et Gilles Morel
Mise en scène Galin Stoev
Avec Marine Déchelette, Mathieu Fernandez, Élise Friha, Marine Guez, Alice Jalleau, Thomas Ribière et Julien Salignon
Collaboration artistique et assistanat à la mise en scène Virginie Ferrere
Lumières Michel Le Borgne
Son Joan Cambon
Costumes Nathalie Trouvé
Travail corps et voix Anna Khlestkina
Régie plateau Joséphine Barrabès et Simon Clément, Régie son Jonathan Mathieu, Régie lumières Sadock Mouelhi
Habillage Muriel Senaux et Sabine Rovere
Réalisation du décor dans les Ateliers de construction du ThéâtredelaCité sous la direction de Michaël Labat
Réalisation des costumes dans les Ateliers du ThéâtredelaCité sous la direction de Nathalie Trouvé