En 1944, Irène Kalder vivait dans sa belle demeure située aux portes du camp de concentration de Plaszów que dirige son compagnon, le SS-Hauptsturmführer Amon Göth. D’un côté, comme beaucoup de ses concitoyens, elle refuse de voir les horreurs qui s’y déroulent. De l’autre, elle a tenté de protéger les juifs des « excès sadiques » de son amant qui l’avait surnommé Majola, ma reine en polonais.
Pour tisser le canevas de sa pièce, Caroline Darnay s’est inspirée des deux seules interviews qu’Irène Kalder a octroyées dans sa vie. Nous sommes en 1980, un journaliste américain, aviateur durant la guerre, vient avec son jeune caméraman interroger cette femme qui sait se faire discrète. Elle a accepté de les rencontrer parce que le sujet porte sur son ami Schindler. Mais les deux hommes vont l’obliger à répondre au seul véritable sujet qui les intéresse, sa réelle personnalité.
Dans le rôle du journaliste, usé par la guerre, Marc Francesco Duret est impressionnant. Il s’est forgé une silhouette qui fait songer à Al Pacino. Ce qui apporte à son personnage une force magnétique impressionnante du vieux baroudeur en bout de course. Pour incarner Irène Kalder, Caroline Darnay a été puisée dans l’imagerie de ces actrices allemandes qui ont tant inspiré Évita Perón. Elle est le charme incarné. Jouant des accents de sincérité qui ont bien du mal à cacher le déni, la comédienne réalise une prestation remarquable. Duncan Talhouët est parfait en représentant de la jeune génération qui veut comprendre. Orchestrée savamment par la metteuse en scène d’Amok et d’Eldorado 1528, cette joute verbale est passionnante parce qu’elle touche aux plus profonds les blessures de l’Histoire et que c’est un devoir de mémoire.
Marie-Céline Nivière
Majola, texte et mise en scène de Caroline Darnay
Théâtre de l’Essaïon
6 rue Pierre au lard
75004 Paris.
Création avril 2024
Reprise du 25 septembre 2024 au 27 février 2025
Durée 1h20
Avec Caroline Darnay, Marc Francesco Duret, Duncan Talhouët
Collaboration artistique d’Olivier Leymarie et Bérénice de Petiville
Lumières d’Anne Gayan
Musique de Pierre Audiger
