Comment est née l’idée d’un festival des langues françaises ?
Ronan Chéneau : D’une volonté de rendre visible et de donner toute son ampleur à un répertoire d’œuvres théâtrales écrites en français depuis le monde entier. Cet espace qu’on appelle généralement « Francophonie » mais que je nomme plutôt « répertoire inclusif », parce qu’il regroupe également les artistes d’expression française, avec une attention particulière à celles et ceux en mal de visibilité en France hexagonale venu·es de France dite « ultramarine ». Ensuite, ce répertoire s’élargit par moments à d’autres disciplines que l’écriture théâtrale : ce peut être le roman, la chanson, le slam, la poésie, le rap… La langue des artistes sourds aussi, la LSF.
Pourquoi ce pluriel ?
Ronan Chéneau : Pour mettre de côté la désignation d’une nationalité, contrairement à ce que son nom indique la « langue française » n’est pas que française. Le plus grand pays francophone est la Congo RDC.
Quel en est l’ADN ?
Ronan Chéneau : La découverte, le décentrement. Se décentrer de Paris et des théâtres, des lieux dédiés, avec la transdisciplinarité assumée, les formes légères, hors-les-murs… Se décentrer de la France hexagonale (les outre-mer) se décentrer de la France tout court…
La tentative, le droit à l’erreur, la proposition faite pour l’occasion : tous ces formats sont propices à partager avec le public le concret du travail artistique, de la fabrique théâtrale, de spectacle. Les premières fois, pour des rencontres entre artistes de la scène, autour d’une pièce. La découverte.
Comment se fait la programmation ?
Ronan Chéneau : Par des rencontres, des sollicitations. Des textes que je lis dans les comités et autres jurys : le Prix RFI que nous accueillons tous les ans pour une première étape au plateau. Le Quartier des autrices et auteurs du TQI, comité auquel je participe. Le prix Jeanne Laurent décernés par quarante lycéens de la métropole.
Y a-t-il une ligne directrice ?
Ronan Chéneau : La joie, le plaisir d’être ensemble. Sur un temps serré de festival plein de nationalités s’assemblent, se retrouvent, se découvrent. Mes choix, enfin, peuvent influer : attention particulière aux enjeux sociaux, au présent, aux pays où les artistes travaillent difficilement chez eux pour des raisons économiques, politiques.
Quels en sont les temps forts ?
Ronan Chéneau : Le Prix RFI est toujours un temps fort. De même que les programmations singulières d’artistes peu visibles en général, jeunes, venu·es de loin, minoré·es — la LSF par exemple — ou tout cela en même temps…
Pour les auteurs sélectionnés, quel est l’enjeu ?
Ronan Chéneau : Celui de se lancer, de risquer sans heurts, sans danger, avec tout le soin qu’apporte l’accueil par l’équipe du CDN. Se rencontrer à l’occasion d’une courte « mise en forme » de trente minutes et rêver parfois à une suite… Changer les habitudes, lieux et codes qui sont ceux du spectacle en temps normal. Être au plus près du public.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Le Festival des langues françaises
CDN de Normandie-Rouen
du 12 au 16 mars 2024