Pour quelles raisons vous retrouvez-vous dans deux spectacles en même temps ?
Andy Cocq : L’amour chez les autres, pièce d’Alan Ayckbourn, était prévue pour le théâtre Fontaine. Vu le succès de Berlin Berlin, le projet a été repoussé plusieurs fois. Finalement, Pascal Legros, le producteur, nous a annoncé que nous irions en janvier 2024 à l’Édouard VII. J’avais déjà, pour cette date, Le Vertige d’Hadrien Raccah à la Madeleine. Il a donc fallu que les producteurs, les metteurs en scène et mon agent travaillent pour que les plannings des répétitions coïncident. Après, ça a été facile : Le vertige joue à 19h et dure 1h10. L’amour chez les autres démarre à 21h. Les deux théâtres ne sont pas éloignés. Je n’ai pas pu dire non, les deux projets me plaisaient vraiment. Même si, au long de ma carrière, j’ai fait plein de choses passionnantes et différentes, j’en suis à un moment de ma vie où je choisis plus que je me contente. Ce qui m’a fait refuser plusieurs pièces où l’on me faisait refaire la même chose, le même clown très extraverti…
Celui que l’on retrouve notamment dans le personnage que vous incarné dans Les Producteurs, mis en scène par Michalik, et pour lequel, en 2022, vous avez été nommé aux Molières et obtenu celui du meilleur second rôle aux Trophées de la Comédie Musicales…
Andy Cocq : Et qui était un emploi fantasque ! On a joué le spectacle deux grosses saisons. Après ça, je me suis dit que je devais jouer des rôles très différents. Sinon, je n’aurais plus envie… Il me fallait reposer le clown pour qu’il revienne plus fort avec un super projet. La vie a fait que j’ai reçu ces deux pièces super avec des rôles qui m’amènent vraiment ailleurs.
Comment faites vous pour enchaîner les deux spectacles ?
Andy Cocq : Je termine Le Vertige à 20h10. Je prends mon petit vélo électrique. Il y a quatre minutes entre les deux à vélo et dix à pied ! J’arrive à l’Édouard VII pour rassurer un peu tout le monde, parce que je sais que je n’aimerais pas commencer une pièce quand un comédien n’est pas encore arrivé. Le rideau s’ouvre, le spectacle démarre pendant que je me prépare. Ce qui est assez bien foutu, c’est que dans L’amour chez les autres, j’arrive sur scène trente minutes après le lever de rideau.
En revanche, le dimanche, c’est l’inverse, et dans Le Vertige votre personnage est très vite présent sur scène…
Andy Cocq : C’est l’enfer ! Je termine à l’Édouard VII à 17h40 et on commence à la Madeleine à 18h. Comme c’est un huis clos, on est tous sur le plateau dès le début. Là, c’est très rapide ! C’est un exercice de style énergisant. J’ai des amis, parce qu’il n’y a qu’eux pour enchaîner les deux spectacles dans la même journée, qui sont venus dimanche dernier. Ils m’ont avoué que quand la lumière s’ouvre sur Le Vertige, ils se sont dits : « Mais non ! On a eu à peine le temps d’arriver et de s’asseoir alors que lui, il est frais comme un gardon à recommencer tout. » C’est une expérience.
Cela doit demander une grande concentration…
Andy Cocq : Effectivement, je me concentre plus que pour les autres pièces que j’ai déjà jouées. Parce qu’on l’a commencé plus tôt, je me sens un petit peu plus tranquille dans le Ayckbourn. Cela nécessite une disponibilité et donc je me repose beaucoup. J’essaye de garder l’énergie pour le soir. Je ne cours pas dans tous les sens et ne fais pas mille trucs dans la journée. C’est quand même très sollicitant. Ce sont des rôles importants, très présents sur scène, et qui demandent des énergies différentes.
Ils sont même à l’opposé ! Chez Ayckbourn, il tend plus vers le clown et chez Raccah, il est plus ambigu…
Andy Cocq : Cela me fait un bien fou de passer de l’un à l’autre. C’est vrai que dans L’amour chez les autres, avec William Chesnutt, il y a le côté clown et un travail sur le corps, mais il est plus tenu, plus cadré que dans Les Producteurs, où mon personnage était plus fantasque. William c’est un idiot, un naïf. Avec sa femme, ils servent d’alibi à deux couples adultérins. Ils arrivent vraiment comme dans un jeu de quilles et ils subissent sans savoir pourquoi. C’est le ressort du comique de situation, plus vaudevillesque, qu’utilise Ayckbourn. Pour jouer Marc du Vertige, cela demande un jeu plus quotidien, même si cela reste du théâtre. C’est plus contemporain, plus normal, moins clown. Il est cynique, en colère, pas très heureux dans sa vie privée comme professionnel, il a besoin de parler. J’ai de plus en plus envie d’aller vers ça.
Cela doit être palpitant de jouer deux écritures très différentes, celle du roi du boulevard anglais et celle d’un jeune auteur français, dans la même soirée…
Andy Cocq : Clairement et c’est même ce qui me motive. Je suis embarqué par les deux pièces. C’est agréable, en une même soirée, de dire des mots aussi contraires et être surtout dans des états différents. Chez Ayckbourn, les personnages subissent. La pièce d’Hadrien Raccah me fait vibrer parce qu’elle m’émeut. Là, je donne beaucoup parce qu’il y a des embrouilles, des scènes de colère, des règlements de comptes. C’est savoureux. Je reconnais que c’est fatigant d’enchaîner, mais il y a un vrai plaisir qui me motive.
Donc, vous êtes prêt pour entrer à la Comédie-Française…
Andy Cocq : Absolument. Je pense que plus on arrive dans l’âge et plus on se fatigue de générer des projets, d’appeler les metteurs en scène, de trouver une pièce, de faire fonctionner ses réseaux. On n’a pas le choix, si on veut trouver du travail. Au Français, tout ça est fait et donc il ne reste plus qu’à faire notre métier. Même si on enchaîne dans la journée, une répétition avec une représentation, dans un week-end plusieurs rôles, on n’est là que pour jouer sans s’inquiéter du reste. Alors, oui, j’adorais rentrer dans la Maison de Molière. Appelez-moi !
En attendant le Français, vous avez des projets pour après ?
Andy Cocq : En mai, je commence le tournage d’un film. Une comédie avec un rôle assez important. L’été repos ! Enfin, j’espère, mais comme on ne sait jamais avec la vie… En septembre, on part en tournée avec L’amour chez les autres. Sinon, je cherche à générer un projet avec Virginie Hocq, ma partenaire dans le Ayckbourn. Ça a été un véritable coup de foudre entre nous et on rêverait de trouver une pièce à jouer ensemble. Voilà les projets !
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Le vertige d’Hadrien Raccah
Théâtre de la Madeleine
19, rue de Surène
75008 Paris.
Jusqu’au 24 mars 2024
Durée 1h15.
L’Amour chez les autres d’Alan Ayckbourn
Théâtre Edouard VII
10 place Edouard VII
75009 Paris.
Jusqu’au 19 mai 2024.
Durée 1h45.