Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Enfant, le cirque me laissait plutôt de marbre et guignol me faisait peur. Je pense, comme souvent pour ceux de ma génération, que mon premier spectacle vivant a été celui de Chantal Goya avec ce fameux Soulier qui s’envole (et il volait vraiment). Les danses, les chants, les lumières, les décors et les costumes m’avaient fasciné. Et en plus, il y avait des enfants sur scènes ! Je les trouvais tellement de chanceux. Après, j’avais une grand-mère très « cultureuse » qui m’a emmené voir un ballet classique, Giselle, de mémoire… J’aurai adoré vous dire que du haut de mes quatre ans, j’avais été bouleversé, mais en réalité, j’ai pioncé sévère en suçant mon pouce. Il m’est impossible de me souvenir de la première pièce de théâtre que j’ai vu. Comme quoi, ça ne veut rien dire !
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Je le dois à ma mère, médecin — donc sur le papier, rien à voir ! Je devais avoir six ans, mais cette femme incroyable a eu l’idée farfelue de monter des petits spectacles avec certains de mes camarades de classe pour jouer dans les maisons de retraite à la période de Noël, Pierre et le loup, Émilie Jolie, entre autres. J’attendais ce moment-là comme le messie. J’adorai déjà les répétitions et être devant un public avec mes copains. Ça m’a filé le vice de la scène, de la troupe et des coulisses.
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ?
A quinze ans j’ai joué ma première pièce, une seule représentation. C’était La guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux, devant un parterre assez conquis, composé exclusivement de nos familles et nos amis. Je jouais Hector. Le lendemain, une fois le rideau tombé et l’adrénaline avec, je me suis senti vide et complètement déprimé à l’idée d’attendre un an avant de recommencer. C’était horrible ! Je regardais en boucle les petites cassettes de caméscope VHS de mon beau-père qui avait filmé la représentation. Ce n’était pas par ego, je voulais surtout revivre l’instant et les émotions. Là, j’ai dit : Je veux faire ça toute ma vie ! C’était vital.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Professionnellement, mon premier contrat a été en Suisse. Nous étions encore au cours Jean Périmony et avec mes amis Sébastien Castro et Emmanuelle Tachoires, nous avons été engagés et sommes partis les deux mois d’été pour jouer sous un chapiteau l’histoire d’un village. C’était fou ce truc et j’étais si fier d’y participer. Un petit hommage à Guy Touraille, le metteur en scène qui m’avait donné la certitude que ce métier était fait pour moi.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Avant d’arriver sur Paris, j’avais créé une compagnie amateur sur Marseille avec des amis de mon cours de théâtre. On s’appelait —attention les oreilles — « les Speed Polochons ». Nous montions des pièces qu’on jouait dans pleins de lieux sur Marseille, parfois quinze représentations par pièce. On était libres. On faisait n’importe quoi et les gens adhéraient vachement. Ce sont quelques-unes de mes plus belles émotions scéniques. J’y ai fait mes plus belles rencontres, qui sont toujours dans ma vie pour beaucoup. Il y avait entre autres Véronique Balme, Marc Pistolesi, Karine Dubernet, Audrey Vernon, Catherine Verlaguet. On était plein de fougue, de naïveté et sans objectif autre que de s’amuser. C’est si important de s’amuser. J’ai gardé ça, je crois.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
On pourrait en citer tellement. Certaines datent de plus de vingt-cinq ans et je travaille encore avec eux — comme quoi, je suis facile à vivre — Sébastien Castro, Meliane Marcaggi, Florence Savignat, Maud Le Guenedal… Mais si je ne devais citer qu’un nom, j’évoquerais Jean Périmony, mon professeur, qui a su utiliser les mots justes. Un jour il a dit : « un personnage ça respire ». Voilà ce qu’il s’est efforcé de nous enseigner. Grâce à lui, j’ai compris l’acteur que je voulais être. Il m’a dit aussi « fais en trop… On gommera ». Cette phrase m’a bien rassuré et ça m’a autorisé à faire ce que je sentais. Merci Péri !
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
J’adore raconter des histoires et être un autre que moi au moins 2h par jour. Passer la journée avec moi-même est épuisant parfois, je vous jure ! Alors, pendant le temps d’une représentation, je m’offre un peu de répit. Comme cela est drôle d’être un autre, de vivre une autre vie, un autre corps, une autre énergie, d’autres émotions et de transmettre tout ça.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Je peux chialer devant une pub et rester de marbre devant un chef-d’œuvre ! Je n’ai jamais réfléchi à mes inspirations que je puise dans mon plaisir du jeu et dans celui des autres. Voir jouer de bonnes comédiennes et de bons comédiens, les sentir libre et s’exprimer, tantôt virtuoses tantôt décalés, cela m’inspire au quotidien. Et Dieu sait qu’il y en a beaucoup de bonnes comédiennes et de bons comédiens. Beaucoup ! Ça c’est inspirant. Non ?
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Vital. Nécessaire. Névrotique. Indispensable.
À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Quelle drôle de question ! Mes pieds. L’avantage avec la scène, c’est qu’ils ne peuvent franchir la frontière des coulisses. Sinon en bon hyperactif que je suis, je peux marcher des heures (rien qu’au téléphone on dirait un dingue). La scène me canalise et du coup ça repose mes pieds.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
La liste est longue. J’adore cette jeune génération qui propose des projets audacieux avec des visons artistiques riches et novateurs. Ça nous promet de belles années à venir. Si je devais donner un nom, Eva Rami. Elle me fascine en tant que comédienne et en tant qu’autrice. Sinon je n’ai rien contre Meryl Streep non plus ! Quand on parle du plaisir d’incarner des personnages différents, on a trouvé un bon exemple. Et Jean-Jacques Goldman, qui sera toujours dans mon cœur d’ado éternel.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Je l’ai eu mon projet fou, j’ai joué Edna dans Hairspray aux Folies Bergère. Une comédie musicale dont je suis un fan absolu ! La comédie musicale est une discipline que j’adore ! Y avoir goûté dans ce rôle et ce lieu mythique, c’était un vrai un régal… C’était le projet fou dont je rêvais et je rêverais de remettre ça…
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Il y a ce poème de Jacques Prévert qui parle si bien de la vie et qui dit : « Si on essayait d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple ». J’adore !
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Je m’appelle Asher Lev d’après Chaïm Potok, adaptation et mise en scène Hannah-Jazz Mertens
Les Béliers Parisiens
14 bis rue Sainte Isaure
75018 Paris.
Jusqu’au 31 mars 2024.
Denver, le dernier dinosaure texte et mise en scène d’Arthur Jugnot et Guillaume Bouchède
Théâtre de la Renaissance
20, bd Saint-Martin
75010 Paris.
Jusqu’au 20 avril 2024.