Ce court récit, on est beaucoup à l’avoir lu, enfants. Ceux-ci étaient d’ailleurs nombreux et très attentifs le soir de la première. Mais réentendre L’homme qui plantait des arbres plus tard, avec l’expérience de la vie, procure bien des émotions. On reconnaît alors qu’au-delà de l’aspect écologique, Jean Giono est un humaniste qui ne craint pas d’aborder le politique.
« Comment changer le monde ? Et surtout comment le changer ensemble ? » La réponse se trouve dans la rencontre, sur les grands chemins des monts situés entre les Alpes et la Provence, entre le narrateur et Elzéard Bouffier. Ce dernier a décidé, après la mort de son fils et de sa femme, de changer vie et de reforester cette terre aride. « Il avait jugé que ce pays mourait par manque d’arbres. Il ajouta que, n’ayant pas d’occupations très importantes, il avait résolu de remédier à cet état des choses. » De 1913 à 1947, entre deux catastrophes mondiales, cet être silencieux et obstiné trouve « par cette activité, un fameux moyen d’être heureux » et de faire renaître la vie.
Au service de Giono et de la nature
Le dispositif scénique imaginé par Claude Brozzoni est impressionnant. Il possède la poésie qui sied à celle de l’auteur manosquin. En entrant dans la salle, on aperçoit sur le plateau un grand bac carré rempli de terre. Sur le mur du fond, trois toiles, elles aussi carrées. Aucune vidéo ne viendra s’y projeter. Juste des lumières. Le bruit du vent se fait entendre. Les sons et la musique sont bien plus qu’un accompagnement. Écoutez-les bien !
Prenant place, on remarque alors que de la terre émergent la tête et le torse nu d’un homme endormi. L’image est saisissante. Le narrateur est véritablement enraciné ! Ce « voyageur immobile » va, au fil du récit, se relever et finir par se mettre debout. Pour souligner son évolution de la jeunesse à la maturité, il passe une chemise, une veste, une cravate… Christian Lucas est ce narrateur que la guerre de 14-18 obligera à regarder autrement le monde. Sa prestation est exceptionnelle. La langue de Giono nous parvient dans toute sa beauté. Brozzoni et Lucas nous avaient amusé et enchanté dans Le Molière volant à Avignon ; aujourd’hui, ces artistes sensibles nous ont bouleversé.
Marie-Céline Nivière – Envoyée spéciale à Annecy
L’homme qui plantait des arbres de Jean Giono
Théâtre Bonlieu, Scène nationale d’Annecy
1 rue Jean Jaurès
74000 Annecy.
Du 6 au 12 février 2024.
Durée 1h.
Tournée 2024
13 février à la MJC Centre social Victor Hugo de Meythet (74).
1er juin 2024 dans la cour de l’Ecole de la Plaine Annecy (74).
Mise en scène et scénographie de Claude Brozzoni.
Avec Christian Lucas.
création bande-son et régie son de Pipo Gomes.
Lumière de Pierre Marchand
Décor d’Espace et Cie, décor additionnel de Frédéric Couade et Adrien Brunois.
Conseil artistique de Dominique Vallon Brozzoni.