En bon Monsieur Loyal, cheveux peroxydés, toute gouaille dehors, Gurshad Shaheman invite une partie du public à traverser le quatrième mur pour le rejoindre sur scène et s’installer confortablement dans le décor imaginé par Mathieu Lorry-Dupuy. Sur scène, quatre immenses praticables recouverts de tapis persans ont été transformés pour l’occasion en terrasse de restaurant typique du Darband, quartier situé tout au nord de Téhéran. L’effet est bluffant, le voyage immobile, C’est au cœur de cette reconstitution scénographique que l’artiste nous propose de rencontrer trois femmes de sa vie. Sa mère tout d’abord, puis ses tantes.
Trois sœurs, trois destins
Leurs noms chantants — Hominaz, Shady et Jeyran — rappellent les contes des Mille et une nuits. Toutes trois ont grandi dans une petite ville de l’Azerbaïdjan iranien, quitté le cocon familial, connu la liberté, fait des études et se sont mariées, pour le meilleur mais aussi pour le pire. La révolution iranienne, le renversement du Shah a chamboulé leur quotidien. Devant la montée de l’intégrisme religieux, deux ont fui leur racine, une est restée et a connu l’enfer. Avec délicatesse, Gurshad Shaheman remonte le fil de leurs souvenirs, esquisse le portrait de cette famille tant aimée que le destin à éclatée en morceaux.
Pour mieux faire entendre leurs récits, leurs histoires intimes, il a eu la belle idée de diffracter corps et mots. Bien que présentes au plateau, ce ne sont ni sa mère, ni ses tantes qui prennent la parole, mais trois comédiennes franco-iraniennes : Guilda Chahverdi, Mina Kavani et Shady Nafar. Les unes sont toute tendresse et générosité, les autres donnent à voir les violences subies, la dureté de leur existence.
Une lutter de tous les jours contre l’intégrisme
Refusant l’incompréhensible, un fondamentalisme qui ne correspond en rien à la religion que leur a inculqué leur père progressiste, chacune, à sa manière, va lutter pour ne pas sombrer dans l’anonymat du voile et tenter d’offrir à leurs enfants un monde meilleur. Protégeant leur cœur par des Forteresses invincibles, elles vont s’affranchir des carcans d’une société qui n’est et ne sera jamais la leur.
Sans pathos et avec une intelligence du cœur, Gurshad Shaheman signe une fresque intense autant de lumineuse. Un hommage poignant et humain à ses femmes qui ont construit l’homme est l’artiste qu’il est aujourd’hui !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Les Forteresses de Gurshad Shameman
le texte de la pièce est paru aux éditions Les Solitaires Intempestifs en septembre 2021
Théâtre de la Bastille
rue de la Roquette
du 5 au 11 février 2024
Durée 2h50
Tournée
mars 2025 au Quai CDN d’Angers, à La Halle aux Grains – Scène nationale de Blois, àl’EMC91 – Saint-Michel-sur-Orge
Avril au Phénix – Scène nationale de Valenciennes
mise en scène de Gurshad Shaheman assisté de Speed Mirzaei
Avec Guilda Chahverdi, Mina Kavani, Shady Nafar, Gurshad Shaheman et les femmes de sa famille
Création sonore de Lucien Gaudion
Scénographie de Mathieu Lorry Dupuy
Lumière de Jérémie Papin
Costumes de Nina Langhammer
Maquillage de Sophie Allégatière
Dramaturgie de Youness Anzane
Régie générale et régie lumière de Pierre-Éric Vives
Régie plateau et accessoires de Jérémy Meysen
Coaching vocal – Jean Fürst