On ne sort pas indemne d’un spectacle aussi magnifique et bouleversant que Prima Facie. S’il n’y a pas de violence, mais à « première vue » un consentement, peut-on parler de viol ? Suzy Miller met en évidence une idée : tant que le système judiciaire, mis en place par des hommes, conçu pour mettre en doute la parole de la victime, perdurera, la femme demeure assujettie.
La grande force de ce monologue, admirablement adapté par Dominique Hollier et Séverine Magois, est d’être composé de deux faces qui tournent autour de Tessa. Dans la première partie, la jeune femme raconte son beau parcours. Ce ténor du barreau est la meilleure dans son domaine, la défense d’hommes accusés de viol. Certaine de voir la loi bien appliquée, elle arrive a décrédibilisé la parole des victimes et à faire acquitter le coupable. Mais voilà, un soir, elle passe de l’autre côté, en devenant victime d’un viol. Tessa, complètement brisée, se retrouve confronté à la machine judiciaire, qu’elle connait pourtant par cœur. Tous ces fameux « mais » (consentement, alcool, drague, inertie…) qu’elle renvoyait autrefois se retournent contre elle. Mais Tessa ira jusqu’au bout, pour « faire bouger les choses ».
La mise en scène de Géraldine Martineau est exceptionnelle. Quelle belle idée que cette boîte noire construite autour d’un miroir et d’un sol réfléchissant ! Dans une interprétation d’une force prodigieuse, composé d’une palette de sentiments très fine, Élodie Navarre est exceptionnelle. Elle mène ce combat avec la rage et la vigueur d’une boxeuse. On reçoit son uppercut en plein cœur ! Bravo !
Marie-Céline Nivière
Prima Facie de Suzy Miller
Petit Montparnasse
31 rue de la Gaîté
75014 Paris.
Jusqu’au 6 avril 2024.
Durée 1h30.
Traduction Dominique Hollier et Séverine Magois.
Mise en scène de Géraldine Martineau.
Avec Élodie Navarre.
Scénographie de Salma Bordes.
Costumes de Vanessa Coquet.
Lumières de Nieves Salzmann.
Création sonore d’Antoine Reibre.
Collaboration artistique de Sylvain Dieuaide.