J’ai si peu parlé ma propre langue, c’est celle d’une mère qui a toujours eu du mal, comme beaucoup d’expatriés, à évoquer son passé. Il a fallu attendre 50 ans, pour qu’Agnès Renaud entende sa mère évoquer l’Algérie. Département alors français, où elle est née et qu’elle a dû quitter en 1962. De cette parole retrouvée est née le désir de monter un spectacle qui esquisserait le portrait d’une femme qui « traverse l’Algérie d’avant l’indépendance, les années de Gaulle et les débuts du féminisme ».
Partant d’une écriture collective, avec les comédiennes de la Cie L’Esprit de la Forge, Agnès Renaud, ne va pas raconter sa mère, ce qui est un peu dommage, mais une femme qui lui ressemble beaucoup, Carmen. Cette figure du quartier vient de décéder. Les deux chroniqueuses de Radio Amicale du Soleil ont décidé de lui rendre hommage, en retraçant sa vie. Rosa (une pied-noir haute en couleur) va plutôt évoquer la petite histoire, et sa nièce (universitaire en colère) va s’intéresser à la Grande Histoire. Ce qui permet de contextualiser l’époque. Deux amies de Carmen sont invitées, Angèle, autrice emblématique, et Jeanine. Avec elles, nous allons alors naviguer, un peu à vue, entre présent et passé, entre désaccords et plaies ouvertes, à coups de chansons, de soleil et de nostalgie.
L’énergie de Marion Duphil-Barché, Pauline Méreuze, Diane Regneault et Flore Taguiev donne à ce spectacle de belles couleurs, où l’humour n’empêche jamais d’entendre les blessures de l’Histoire. Ce spectacle donne la parole à ces déracinés que l’on a longtemps traités d’étrangers dans leur propre pays mais également à ces femmes qui ont contribué à faire avancer les choses.
Marie-Céline Nivière
J’ai si peu parlé ma propre langue, écriture collective de la Cie L’esprit de la Forge.
Théâtre de La Reine Blanche
2 bis passage Ruelle
75018 Paris.
Du 11 janvier au 3 février 2024.
Durée 1h10.
Mise en scène d’Agnès Renaud.
Avec Marion Duphil-Barché, Pauline Méreuze, Diane Regneault et Flore Taguiev et la voix de Jeanine Renaud.
Scénographie de Claire Gringoire.
Création sonore de Jean de Almeida.
Lumières de Véronique Hemberger.
Costumes de Lou Deville.