Lilith de Marion Blondeau © Thierry Rhibaudeau
Lilith de Marion Blondeau © Thierry Rhibaudeau

Festival Trajectoires – Nantes 2024, le mouvement en émoi 

Pour sa 7e édition le temps fort nantais dédié à la danse contemporaine, fait le grand écart entre virtuosité et minimaliste, entre réalité et virtualité.

C’est déjà le dernier jour. Lancé le 11 janvier dernier, Le Festival Trajectoires n’a jamais aussi bien porté son nom. En proposant pas moins de 27 spectacles et 53 rendez-vous, la manifestation a su attirer un public nombreux et varié. La plupart des séances ont affiché complet pour le plus grand bonheur de sa coordinatrice, Erika Hess, directrice déléguée du Centre chorégraphique national de danse de Nantes (CCNN). Il faut dire que nombre des propositions, visant à sortir la danse de son carcan ont de quoi allécher. 

De l’incontournable et bouleversant Romances Inciertos concocté par Nino Laisné et François Chaignaud en passant par Maldonne, toute nouvelle création de l’inclassable et surdouée Leïla Ka, sans oublier Ex-poses, deux duos muséaux imaginés par Héla Fattoumi et Éric LamoureuxLa Parade mer plastique de Tidiani N’Diaye ou Les Yeux fermés dMichaël Le Mer, pièce qui avait créé l’événement en 2022 au Festival Suresnes Cité danse, la programmation est comme un instantané de la danse aujourd’hui, un moment suspendu où il est possible de découvrir en une dizaine de jours, grands ensembles, pièces chorégraphiques intimistes, solos hypnotiques et autres objets hybrides singuliers. En quête de nouveautés mais aussi de valeurs sûres, Ambra Senatore, en binôme avec sa directrice déléguée et en collaboration avec les dix-neuf autres lieux partenaires de l’événement, rêve en grand, en petit, en décalé, et fait le pari du curieux de l’insolite autant que de l’incroyable. 

En samedi 20 janvier, avant dernier jour de réjouissance, Au Lieu unique, le comédien-chorégraphe Vincent Dupont et le designer Charles Ayats proposent à une poignée de spectateurs de plonger à l’aide d’un casque de réalité virtuelle dans un univers fantasmatique et numérique. Après les consignes et les réglages d’usage permettant d’utiliser au mieux les appareils et ainsi vivre l’expérience dans son entièreté, lunettes aux faux airs de jumelles d’opéra chaussées sur le nez, l’aventure peut commencer. 

Devant les yeux d’un public concentré, des étoiles mues par une musique électro virevoltent, dansent, forment des constellations, avant de disparaître dans le néant. Le temps s’écoule lentement. Une silhouette d’homme finit par apparaître, grande, stylisée. Imperceptiblement elle s’approprie l’espace scénique, un lieu qui s’anime et change de configuration en sa présence devenant tour à tour une grande pièce tout en moulures et stuc ou un immense couloir sans fin. 

De danse, ici, il en est peu question. Il faut ôter les casques VR pour en voir quelques mouvements. Tout tourne autour d’enjeux métaphysiques, de vie, de mort, de passage vers l’au-delà, de renaissance. Costumes folkloriques, chants chamaniques, langue gutturale, No Reality Now a tout de l’œuvre contemplative qui perd en sens et consistance ce qu’elle gagne en procédés technologiques. Dommage ! 

Lilith de Marion Blondeau © Thierry Rhibaudeau
Lilith de Marion Blondeau © Thierry Rhibaudeau

Au CCN de Nantes, Marion Blondeau, artiste associée du lieu, présente sa dernière création, une évocation du mythe de Lilith, la première épouse d’Adam, qu’il répudia pour Ève, plus douce, plus soumise. Revisitant cette figure de la femme tentatrice, émancipée et libre, l’artiste, en collaboration avec le metteur en scène Ahmed Ayed, imagine un solo autant visuel que sonore. 

Bruits d’avalanche, lumières sculptant l’espace, Marion Blondeau habite cette étrange et immaculée scénographie. Un chalet blanc, virginal, symbolisant l’origine du monde, sert d’unique point d’ancrage. Contorsionnant son corps, lui imposant une rythmique au ralenti, elle se fait louve, humanoïde, réincarnation du diable ou ange céleste. Comme traversée par des sons autant hypnotiques, que lancinants, elle invite le spectateur à communier avec elle, à lâcher prise avec les idées préconçues, les stéréotypes.  Plus que théorique qu’organique, ce Lilith est incontestablement une expérience physique mais qui manque encore un peu de chair pour totalement séduire et emporter. 

La journée s’achève. La nuit a recouvert de son noir manteau les rues de Nantes. La fête se poursuit au Lieu unique, où est organisé pour la deuxième année consécutive un ball voguing, supervisé par Vini Revlon, légende européenne de la discipline, en personne. Véritable moment de communion par excellence, où toutes discriminations, barrières de genre sont abolies, cette compétition dansée, performée vient clôturer en beauté un festival tout feu tout flamme. 


Festival Trajectoires
CCN de Nantes
Du 11 au 21 janvier 2024

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