Sur une musique de stand-up très feel good, Sylvain Riéjou entre en scène, le pas allègre. Suivant le rythme très cadencé, il esquisse quelques mouvements et profite de ce prologue pour se présenter et esquisser le pitch du spectacle à venir. Avec beaucoup d’humour et d’auto-dérision, il remonte le fil de ses souvenirs, questionne sa quête d’identité sexuelle et esquisse à grands traits et gestes mimétiques son parcours professionnel. Les prémices du spectacle dévoilées cet été à Avignon dans le cadre de la programmation de la Belle Scène Saint-Denis nous avaient mis l’eau à la bouche. La promesse est tenue. Le spectacle est une belle réussite.
Dirty dancing, histoire d’une passion
Tout commence le jour où il découvre Dirty Dancing, le film culte d’Emile Ardolino. C’est un véritable choc, d’autant que ce n’est pas Bébé qui l’attire mais bien le beau Johnny, interprété par le très sexy Patrick Swayze. Confusion des genres, papillons dans le ventre et goût prononcé pour la danse scellent son destin. Il sera danseur, c’est une certitude. Certes il aime les hommes, mais ce n’est pas tant la question où le sujet, quoique. À travers sa propre histoire, il tente de comprendre comment les stéréotypes véhiculés par les films romantiques, les comédies musicales et autres ballets classiques imposent une vision du monde hétéronormée et cherche par la danse à déboulonner les fondements éducatifs et patriarcaux qui nous constituent.
Tournant en rond comme un poisson dans son bocal, il finit par demander de l’aide à deux danseuses (Clémence Galliard et Émilie Cornillot) et à un danseur (Julien Gallée-Ferré). Les présentations d’usage effectuées, se moquant gentiment au passage avec esprit et finesse de quelques chorégraphes et de quelques formations de danse dont la gestuelle est très identifiable, à eux quatre, ils vont tenter de dresser un portrait des relations qui les unit les uns et autres et comment les références culturelles qui ont bercé leur enfance les ont construits.
Un show percutant tout en hilarante légèreté
Attention, ça déménage. Le verbe haut, ni le geste, ni la langue dans leur poche, le chorégraphe sabinois et ses acolytes s’amusent à cœur joie. Passant à la moulinette airs d’opéra, partitions de ballet hyper référencées et autres chansons de variétés françaises cultes, tout en égratignant les grammaires très codées du classique et du contemporain, ils revisitent l’histoire de la danse et réinventent le duo amoureux, cassent les normes et défoncent avec ingéniosité et facétie les carcans sociétaux.
Si tout part d’une des citations les plus connues de la célèbre pièce de Musset, dont le spectacle tire son titre, déclamée par la divine Sophie Marceau dans L’Étudiante de Pinoteau, c’est tout un monde que revisite Sylvain Riéjou. Évoquant le consentement, la parité, les discriminations de genre sans pour autant en faire un acte militant, il signe un spectacle tout en nuance, profondément humain et sensible. Les rires fusent bien sûr, mais avec intelligence et délicatesse, le chorégraphe fait passer le message : l’amour n’a pas de genre, pas de sexe, Il est tout simplement universel.
Du Carreau du temple à Paris dans le cadre du Festival Everybody au Klap de Marseille à l’occasion du temps fort + de genre, notamment, laissez-vous envoûter, car badiner avec l’amour et ses quatre artistes épatants, c’est tout simplement formidable !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Nantes
Je badine avec l’amour (parce que tous les hommes sont si imparfaits et si affreux) de Sylvain Riéjou
Création le 24 novembre 2023 au festival Playground des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis
Présenté du 19 au 20 janvier 2024 au TU de Nantes dans le cadre du Festival Trajectoires
Durée 1h15 environ
Tournée
12 et 13 février 2024 au festival Everybody, Carreau du Temple, Paris
14 février 2024 au festival waterproof, Le Triangle, Rennes
22 mars 2024 au festival + de genre, Klap, Marseille
22 mai 24 au festival Danse dans tous les sens, Chorège Cdcn, Quai des Arts, Argentan
20 septembre 2024 au Théâtre du Garde-chasse, Les Lilas
14 novembre 2024 au festival Forever Young, Le Vivat, Armentières
16 novembre 2024 au Théâtre Louis Aragon, Tremblay-en-France
17 décembre 2024 au Centre culturel Athéna, Auray
19 décembre 2024 au Trident, Scène nationale, Cherbourg
14 février 2025 à l’Opéra de Limoges
Conception / Interprétation – Sylvain Riéjou
Création en étroite collaboration avec les interprètes – Émilie Cornillot, Julien Gallée-Ferré, Clémence Galliard
Contribution chorégraphique – Yoann Hourcade
Regards extérieurs – Tatiana Julien, Joachim Maudet
Création sonore – Émilie Denize
Lumières et régie générale – Sébastien Marc