Un prince de Hombourg d'après Kleist. adaptation de Stéphane Bouquet, mise en scène de Robert Cantarella © Anouk Maupu
© Anouk Maupu

Un prince de Hombourg, Nicolas Maury intense de contradiction

Au théâtre Benno Besson d’Yverdon-les-Bains, Robert Cantarella adapte l’ultime pièce de Kleist, avec dans le rôle-titre le comédien révélé par la série Dix pour cent

Des images d’une forêt, la nuit, de lièvres qui courent, fuient, apeurés une lumière aveuglante venue troubler leur folle chevauchée nocturne, de silhouettes fantomatiques qui apparaissent et disparaissent aussitôt, défilent sur l’écran placé en avant-scène. Lumières stroboscopiques, bruits assourdissants entrecoupés de silence, plongent le spectateur dans une sorte de rêve éveillé, quasi omniscient, celui-là même qui semble habité le héros de Heinrich von Kleist, à la veille d’un combat décisif contre l’ennemi suédois. Assis en chemise et slip blanc, hébété, pris d’une crise de somnambulisme, Le Prince de Hombourg, neveu de l’Électeur de Brandebourg, se montre en toute fragilité devant ses pairs. Tous les éléments du drame à venir sont déjà en place. Brillant militaire, le fougueux guerrier est aussi un être plein de contradiction, viril autant que féminin, fonceur autant que méditatif, lâche autant que courageux. Désobéissant aux ordres, chargeant trop tôt l’ennemi, il gagne la bataille, mais se voit condamner à la peine capitale pour sédition.

En adaptant au goût du jour à la demande de Jean Cantarella la pièce du dramaturge prussien, écrite un an avant sa mort et rendue célèbre par la prestation incandescente de Gérard Philipe à Avignon en 1952 dans la mise en scène au cordeau de Jean VilarStéphane Bouquet se glisse entre les lignes pour souligner toute l’ambiguïté du personnage et lui donner une flamboyance saturnienne. Entrelaçant ses propres textes à l’œuvre de Kleist, l’auteur module la martialité fiévreuse du propos, pour esquisser en creux des personnages féminins de premier plan. S’en dégage un Prince de Hombourg tout en fêlures et paradoxe, que la mise en scène sépulcrale matinée de touches tragico-burlesques de l’artiste marseillais, ancien co-directeur du CentQuatre-Paris, met magistralement à nu. Une gageure tant la découpe très saccadée de la pièce originelle, passant en un clin d’œil d’un jardin enchanteur à un champs de bataille, de la prison à une alcôve, rend le fil de compréhension difficile à suivre. 

Parfois l’attention, à l’instar de l’esprit rêveur du personnage de Kleist, se perd dans quelques limbes, mais la présence irradiante de Nicolas Maury, qui, ayant laissé aux vestiaires ses mimiques maniérées, marque de fabrique de son personnage d’Hervé dans la série culte Dix pour cent, se révèle incroyable de virtuosité, ainsi que les jeux ciselés du reste de la troupe, captive et emporte l’intérêt du spectateur. Abscons quelquefois, abstrait souvent, fulgurant parfois, ce Prince de Hombourg est à voir. On lui souhaite donc une belle tournée à venir ! 


Un prince de Hombourg d’après Heinrich von Kleist
Création le 6 décembre 2023 Au théâtre de Vidy-Lausanne
Théâtre Benno Besson
Le 18 janvier 2024

Durée 2h20 environ

Traduction et adaptation de Stéphane Bouquet
Mise en scène de Robert Cantarella
Avec Nicolas Maury, Charlotte Clamens, Christian Geoffroy Schittler,
Jean-Louis Coulloc’h, Bénédicte Amsler Denogent, Martin Reinartz
Assistanat – Anouk Werro
Scénographie de Sylvie Kleiber
Lumière de Philippe Gladieux
Musique d’Alexandre Meyer
Costumes de Constance de Corbière, Nadine Moec
Régie – Soleiman Chauchat

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