Dans une salle des fêtes de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, plus exactement au cœur de son secteur IV, plus communément appelé Val d’Europe, trois amies d’enfance tous les jeudis soir répètent inlassablement un show autour des chansons du groupe suédois Abba. Derrière les paillettes des tenues, des chants fédérateurs et festifs des années 1970, Tiphaine Raffier croque une autre réalité, celle d’un urbanisme galopant s’appuyant sur une imitation de mauvaise qualité de la nature. En recréant ce premier spectacle, qui évoque les villes nouvelles, l’arrivée de Disneyland en terre francilienne, l’autrice et metteuse en scène fait le portrait édifiant d’une banlieue ultra fabriquée, où tout sonne faux, tout est factice, où la consommation de masse s’impose comme mode de vie.
Portée par un trio de comédiennes décalées et hyper-expressives – Clémentine Billy, Jeanne Bonenfant et Candice Bouchet – , la fable tendre autant que triste de Raffier livre de jolis moment mais peine à embarquer, à totalement séduire. Le propos politique, dénonçant la sur-consommation, l’illusion bobo d’être écolo, simplement en écoutant les chants des oiseaux, des rivières, qu’un CD acheté une fortune dans une boutique vendant la nature à la chaine, diffuse sur un lecteur déjà obsolète, résonne bien sûr à nos oreilles, mais faute d’une dramaturgie plus tenue, s’échappe aussitôt vers un futur apocalyptique où les éléments, inondations, tempêtes, rappellent à l’homme qu’il ne peut tout maîtriser.
Entre tragicomédie et drame, La Chanson (Reboot) laisse un peu sur sa faim mais est à voir comme une préfiguration du travail, l’œuvre en devenir de Tiphaine Raffier, dont La réponse des hommes est l’objet le plus abouti.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
La Chanson (Reboot) de Tiphaine Raffier
TNS – Hall Grüber
18 Rue Jacques Kablé
67000 Strasbourg
du 10 au 20 janvier 2024
durée 1h20
mise en scène de Tiphaine Raffier assistée de Clémentine Billy et Joséphine Supe
avec Clémentine Billy, Jeanne Bonenfant & Candice Bouchet
scénographie et lumières d’Hervé Cherblanc
vidéo de Pierre Martin
musique de Guillaume Bachelé
son de Martin Hennart
costumes de Caroline Tavernier
chorégraphie de Johanne Saunier