La boîte est arrivée par les airs. Elle a trouvé sa place sur le toit d’un immeuble. Chaque jour, cet « objet-abri », perché dans les hauteurs, reçoit durant une heure deux hôtes différents, au lever et au coucher du soleil. Après une première étape en Seine-Saint-Denis, le Cycle des Veilleurs initié par la chorégraphe Joanne Leighton se déroule depuis début septembre au cœur du XIIe arrondissement de Paris.
C’est une étrange cabane en bois, créée spécialement par le designer et scénographe Benjamin Tovo, éclairée durant les heures de veille. Debout, face à la ville, transformé en vigie, le veilleur observe le paysage à travers deux vitres, l’une orientée vers l’est, l’autre à l’ouest. Délesté de sa montre et de son téléphone, il perd vite la notion du temps. Le regard divague, se fixe sur les mêmes points, en découvre sans cesse d’autres. Maillon d’une chaîne invisible qui se tisse au fil des jours, il prend conscience de participer à une œuvre unique, poétique. Un acte de résistance face à la frénésie urbaine. Il se laisse happer par cette expérience méditative qui régénère, et aide à se reconnecter avec cette ville aimée par les uns, décriée par d’autres.
Joanne Leighton a imaginé le cycle des Veilleurs quand elle était à la tête du Centre Chorégraphique National de Bourgogne Franche-Comté. La première édition s’est tenue en septembre 2011 sur la citadelle Vauban, à Belfort. Pour elle, les déplacements que cette performance suscite, à l’aube et au crépuscule, écrivent une chorégraphie, soumise à un rythme bien défini. Une chorégraphie à la taille de la ville, non d’un plateau de danse. Nomade, la performance s’est depuis invitée sur différents territoires en France et à l’étranger, fédérant des communautés unies par cette expérience singulière. Actuellement ouverte à tous les Parisiennes et Parisiens, labellisée Olympiade Culturelle par Paris 2024, elle permet aux habitants de redécouvrir les paysages dessinés par la ville.
Les deux pieds ancrés dans le sol, contraint par une verticalité qui finalement libère, le veilleur goûte à cette pause introspective. Joie, surprise, étonnement, les émotions remontent à la surface ; les souvenirs de liesse collective ou de moments de solitude contrainte aussi. Cette ville abrite tant d’histoires qui se jouent à bas bruit ou dans la démesure. Etre là face à elle, telle une sentinelle discrète, à la fois voyeuse et vue, oblige à questionner sa présence au monde. C’est fou ce qu’il peut se passer en une heure !
À la fin de sa veille, chacun dépose quelques mots dans un livre d’or avant de reprendre le cours de sa vie là où il s’était momentanément arrêté. Voici les miens.
Vivante, vibrations, vue(s).
Émerveillement, émotions, éclat.
Immobilité, intensité, île.
Lenteur, liesse, limpidité.
Longueur, lutte, liberté.
Enracinement, élan, énergie.
Unique.
Sensations, sentiment, silence.
Évasion, envol, envoûtement.
Claudine Colozzi
Le Cycle des Veilleurs année #2
Ensemble Erard-Charenton
159 rue de Charenton
75012 Paris
Jusqu’au 8 septembre 2024
Performance portée collectivement par WLDN / Joanne Leighton, la Maison Populaire de Montreuil et l’Atelier de Paris / Centre de Développement Chorégraphique National (CDCN), le Département de la Seine-Saint-Denis et la Ville de Paris.
Inscription sur www.lecycledesveilleurs.fr