Sweat, Glitter and Moolah, Jonathan Drillet et Marlène Saldana © Philippe Lebruman
© Philippe Lebruman

Aux Subs, les jeunes talents d’Artistes dans la cité font couler Sweat, Glitter and Moolah

Aux Subs, à Lyon, Marlène Saldana et Jonathan Drillet dirigent les boursiers de la fondation Hermès dans Sweat, Glitter and Moolah, une performance-événement opulente qui mélange les disciplines.

Sweat, Glitter and Moolah, Jonathan Drillet et Marlène Saldana © Philippe Lebruman

Aux Subs, à Lyon, Marlène Saldana et Jonathan Drillet dirigent les boursiers de la fondation Hermès dans Sweat, Glitter and Moolah, une performance-événement opulente qui mélange les disciplines.

© Philippe Lebruman

« Fuck you ! Fuck you ! Fuck mexico ! » La réplique est empruntée à Nicolas Cage dans le méconnu Red Rock West de John Dahl (1993), et vociférée par le scorsesien Gabriel Dahmani, comédien issu du groupe 47 de l’école du TNS (la promo vue chez Creuzevault). Elle est l’un des nombreux fils du grand tissage de références qu’est Sweat, Glitter and Moolah (comprendre : sueur, paillettes et thune), la création sur-mesure de Marlène Saldana et Jonathan Drillet. Aux Subs de Lyon, dans une salle transformée en station de radio, la scène, vue pendant les dernières répétitions, a quelque chose d’un peu surréaliste : comme un fauve en cage, le comédien court dans tous les sens, enlève son t-shirt, rugit et se roule par terre pendant que Saldana, casque sur les oreilles, le guide. Rejouer un montage des plus grandes scènes de crises de nerfs de l’acteur de Volte/Face et Sailor et Lula pour une diffusion en direct, c’est l’une des tâches qu’il aura à réaliser pendant les trois heures de cette expérience théâtrale, chorégraphique, musicale et pop. Jouée deux fois seulement ces 21 et 22 décembre à travers quatre espaces de cet ancien couvent lyonnais, la performance laisse libre le spectateur de construire son parcours.

Ils sont vingt à travailler dans les différents espaces de cet immense complexe culturel à flanc de falaise. Ils sortent tous de grandes écoles françaises de théâtre ou de danse. Tous ont bénéficié de la bourse délivrée par la Fondation Hermès à travers son programme Artistes dans la cité. Fonctionnant avec un budget de plus d’un million d’euros, dont la grande moitié finance les bourses, ce système de soutien aux jeunes talents de la scène s’élargit aussi à la préparation aux concours et à l’accompagnement d’une création commandée pour ses bénéficiaires. Cette production d’ampleur en forme de one-shot sur deux dates est une vitrine pour le programme, mais elle sert aussi de dernier tremplin pour les jeunes diplômés volontaires, après les travaux de fin de parcours des écoles respectives. En outre, cette performance multiformes et déambulatoire, qui aborde la question cruciale de la réussite avec la sensibilité pop que l’on connaît au duo Saldana-Drillet, orchestre un grand mélange des genres : les auteurs de théâtre dansent, les danseurs jouent et les comédiens chantent.

Sweat, Glitter and Moolah, Jonathan Drillet et Marlène Saldana © Philippe Lebruman
Jonathan Drillet et Gabriel Dahmani © Philippe Lebruman

« Can we start again ? » À quelques pas du studio d’enregistrement, dans le hangar transformé en « salle de danse et de sudation », la chorégraphe congolaise Jolie Ngemi mélange son anglais et son français. Face à elle, devant un rideau à franges argentées, seize artiste venus pour certains de l’international — Brésil, Côte d’Ivoire, Ouganda, Gabon — mais tous formés en France. À la voir, on oublierait presque que l’exercice est une gageure. Pas facile de mettre ensemble en mouvement des danseurs professionnels dont certains, comme Haman Mpadire d’Exerce, nous éblouissent d’emblée, et des artistes de théâtre. Peut-être moins encore lorsque ces derniers sont auteurs ou metteurs en scène. Et pourtant : dans le petit bout de spectacle qu’on les voit répéter, les individualités se rejoignent, les interprètes font corps par-delà les niveaux de technicité, comme par magie.

« Tout le monde fait tout, et c’est rare d’être mis comme ça sur un pied d’égalité », s’enthousiasme le talentueux Felipe Fonseca Nobre, un autre ancien du TNS, qui danse avec Ngemi. Lui passe beaucoup de temps derrière les micros de radio, où il occupe les ondes avec, entre autres, un feuilleton parodique nommé Dos Caballeros. « Marlène et Jonathan ont trouvé une forme éphémère par nature, poursuit-il. On sait pas trop à quoi cela va ressembler, et on ne pourra pas tout voir. » De fait, personne n’a aucune idée précise, avant la première, de la forme que prendra l’ensemble une fois concentré dans trois heures de représentation, sinon que celui-ci remuera des thèmes centraux pour ces artistes jetés dans le grand bain : l’effort, l’argent, la réussite et les grandeurs.

Sweat, Glitter and Moolah, Jonathan Drillet et Marlène Saldana © Philippe Lebruman
Juliette Smadja et Clément-Amadou Sall © Philippe Lebruman

« Il s’agit de permettre à de jeunes artistes d’apporter leurs récits », explique Quentin Guisgand, responsable de projets arts de la scène à la Fondation. Aussi, en quelques heures de répétition, on en apprendre beaucoup sur les participants. Le goût de Charlotte Issaly, du TNS, pour les textes de Christophe Tarkos. L’amour de Séraphin Rousseau, diplômé de l’ENSATT, pour ‌Le temps qui reste, texte crépusculaire de Reggiani chanté façon Renaissance sous la direction de Marie-Pierre Brébant. Ou encore l’ADN artistique de Pauline Lavoguez, danseuse-chorégraphe passée par les Beaux-Arts et sortie d’Exerce, qui présente dans la programmation libre de la salle dite « pirate » Ouvre grand, une performance « entre l’horreur et le sexuel ». De quoi composer un programme gargantuesque et alléchant.

Au milieu de ce maelström, Marlène Saldana et Jonathan Drillet se baladent, téléphone à la main, essayant de garder les yeux sur tous les recoins de ce microcosme spectaculaire. Le duo à l’origine du génialissime Showgirl passe après Cyril Teste, qui étrennait ce format au Théâtre de la Cité internationale en 2022, trois ans après l’entrée en formation des premiers boursiers. Sweat, Glitter and Moolah a tout sa place dans le multivers libre, fêtard, pop et volontiers bling-bling des deux metteurs en scène — les costumes pailletés que confectionne Gabriella Lopez dans son atelier avec vue sur Saône finissent de nous en assurer. Avant la première, ça transpire beaucoup, oui, mais ça échange aussi, tout le temps, par-delà les disciplines et chapelles. Il reste une date pour les découvrir tous, mais pas de panique : à l’échelle d’une carrière, ce soir est loin d’être le dernier.


Sweat, Glitter and Moolah de Jonathan Drillet et Marlène Saldana
Les Subs
8 bis Quai Saint-Vincent, 69001 Lyon

Les 21 et 22 décembre 2023
Durée 3h

Direction artistique et technique Jonathan Drillet & Marlène Saldana, Céline Peychet & François Aubry dit Moustache
Artistes-auteurs invité.e.s Jolie Ngemi, Sophie Lenoir, Kelly Rose (Uzi Freyja), Marie-Pierre Brébant, Pierre-Olivier Dittmar, Elen Riot, et Laure Egoroff
DJ Jean Biche

Avec Esteban Appesseche, Clémence Attar, Gabriel Dahmani, Hans Peter Diop Ibaghino, Victor Hugo Dos Santos Pereira, Felipe Fonseca Nobre, Lucie Garçon, Charlotte Issaly, Noémie Langevin, Pauline Lavogez, Ivan Marquez, Haman Mpadire, Konan Allui Leonce Noah, Samantha Pardon, Florian Remblier, Séraphin Rousseau, Clément-Amadou Sall, Juliette Smadja, Hameza El Omari (film), Gabriella Lopez (costumes)

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