Le théâtre de marionnettes de Rezo Gabriadze est à la Géorgie ce que Les marionnettes de Salzbourg sont à l’Autriche, un patrimoine culturel. Dessinateur, peintre, sculpteur, écrivain, scénariste, le grand maître de la marionnette, décédé en 2021, a laissé en héritage un théâtre de 800 figurines qui servaient ses créations de toute beauté. Avant de mourir, il a entièrement renouvelé la forme de sa première œuvre, Alfred et Violetta (créé en 1981). Son fils, Leo Gabriadze, la présente à la Scala-Paris, jusqu’au 30 novembre 2023. Une occasion en or de découvrir la grandeur de cette œuvre.
Alfred et Violetta est très librement inspiré de La Traviata de Verdi, elle-même tirée de La dame aux camélias de Dumas fils. Alfred, un étudiant brillant, issu de la grande bourgeoisie, aime Violetta, une jeune femme tuberculeuse sans le sou. Le jeune homme veut l’épouser malgré le désaccord de son père. Mais avant il part en Italie chercher le médicament qui la sauvera de la mort. C’est la partie romantique ! Le grand intérêt de l’histoire imaginée par Rezo Gabriadze est l’endroit et l’époque où se passe l’action. Nous sommes en 1991, en Géorgie. L’URSS n’existe plus, les pays frères peuvent reprendre leur indépendance et surtout leur langue et leurs coutumes. Mais 70 ans de communisme ne se balayent pas aisément. Le Géorgie, pays de Staline, pour entrer dans ce monde nouveau qui s’ouvrait à lui, n’a pas échappé à une guerre civile. Cette page historique est passionnante à suivre.
Une boîte noire est posée sur la grande scène de la Scala. C’est dans ce petit théâtre que va se dérouler l’histoire, avec ses magnifiques changements de décors, intérieurs comme extérieurs. Les personnages sont des marionnettes à fils manipulées avec un grand art par des artistes vêtus de noirs. Rien de saccadé dans les gestes de ces superbes figurines de bois, de plumes (pour le corbeau), de ferraille (pour la locomotive). Elles sont aussi vivantes, voire plus, qu’un être de chair. Enregistrés sur une bande-son et surtitré en français, le texte et les chants, en géorgien et en russe, nous parviennent clairement. On y retrouve toute l’imagerie des livres et dessins animés des pays de l’Est. Le résultat est admirable.
Marie-Céline Nivière
Alfred et Violetta, librement adapté de La Traviata de Verdi.
La scala Paris
13 boulevard de Strasbourg
75010 Paris.
Jusqu’au 30 novembre 2023.
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h.
Durée 1h15.
En langue géorgienne surtitrée en français.
Dramaturge, directeur artistique Rezo Gabriadze.
Metteur en scène Leo Gabriadze.
Maîtres de marionnettes Tamar Amirajibi, Niko Gelovani, Irakli Sharashidze, Tamar Kobakhidze, Giorgi Giorgobiani, Medea Bliadze.
Directeur technique Mamuka Bakradze.
Ingénieur du son David Khositashvili.