Présentée en première à la Garance, scène nationale de Cavaillon, Maldonne, pièce pour cinq danseuses de Leïla Ka, offre un hymne puissant à la sororité. Elle fait résonner un chœur de femmes éprises de liberté, soucieuses de dynamiter les stéréotypes et d’être reconnues dans leur singularité.
© Nora Houguenade
Il règne dans le vaste hall de la Garance l’atmosphère légèrement électrique des soirs de première. Impatientes de s’installer dans la salle, des lycéennes interpellent leurs professeurs. Quelques membres de l’équipe arborent une robe fleurie, vêtement signature de la pièce de Leïka Ka. Artistes complices, comme on les nomme joliment dans la scène nationale de Cavaillon à l’instigation de Chloé Tournier, la chorégraphe y présente sa nouvelle création pour cinq danseuses. Une première pièce de groupe, très attendue, pour celle qui compte à son actif deux solos Pode Ser et Se faire la belle et un duo C’est toi qu’on adore. Et qui, en quelques années, a connu une ascension fulgurante.
Maldonne s’ouvre sur ce quintet féminin revêtu de robes à fleurs. Alignées face au public, immobiles, leur présence silencieuse parle déjà beaucoup dès ces premières minutes. On reconnait Bouffées (premier prix du concours Danse élargie 2022). Conçue comme une première étape dans le processus de création de Maldonne, cette pièce vit désormais de façon autonome. Ces cinq femmes, à la fois pleureuses et pietà, psalmodient des mots incompréhensibles. Leurs expirations sonores impulsent la cadence. Le mouvement se répète inlassablement. Il les met à l’épreuve. Mais elles ne flanchent pas. Poings tendus, épaulements, têtes inclinées en arrière, mains très expressives, elles demeurent d’une sidérante précision malgré la récurrence.
La puissance fédératrice d’un tube
Dans Maldonne, chorégraphe comme interprètes mettent leurs pas dans ceux des héroïnes des premières pièces courtes de Leïla Ka. Intrigante et fascinante continuité. Un univers à l’écriture très affirmée construite autour d’accélérations et de ruptures. Les tableaux s’enchaînent, reliés par un fil invisible qui donne la cohérence à l’ensemble. La transition de l’un à l’autre se fait grâce à un passage au noir pour permettre à chaque danseuse d’explorer cette foisonnante garde-robe, de substituer un costume à un autre pour enchaîner les histoires. Les images se bousculent. Corps dissimulés, contraints, exhibés, libérés. L’exubérance succède au minimalisme. Il y a des moments de chaos puis d’apaisement.
Un des plus beaux passages évoque une scène culte du film Bande de filles de Céline Sciamma dans laquelle un groupe de copines se lâche sur Diamonds de Rihanna. Les cinq danseuses de Maldonne s’emparent à leur tour de la puissance fédératrice de Je suis malade, le tube de Serge Lama, dans une version de Lara Fabian. Elles surjouent la déchirure amoureuse jusqu’à nous arracher un sourire et tout de suite après nous donner envie de pleurer.
La variété des robes colore le mouvement, métamorphose sous nos yeux les danseuses en représentantes de femmes tour à tour soumises ou fières. Leur pouvoir évocateur est saisissant : de prudes à banales, ces pièces de tissu deviennent voile, burqa, serpillière ou tenue de cérémonie. Et quand cette danse de résistance devient débauche de mouvements empreints d’une colère libératrice, ces robes se muent en bannières. A moitié dénudées, les danseuses font voler en éclats les carcans et semblent exhorter toutes les femmes à partir à la conquête d’elles-mêmes.
Claudine Colozzi – Envoyée spéciale à Cavaillon
Maldonne de Leïla Ka
La Garance, scène nationale de Cavaillon
rue du Languedoc
84300 Cavaillon
crée le 16 novembre 2023 à 20h
Durée 1h
Tournée
21 novembre 2023 au théâtre d’Arles
23 et 24 novembre 2023 au Zef à Marseille
28 novembre 2023 au Théâtre Durance à Château Arnoux
1er décembre 2023 à La Passerelle – Scène nationale, Gap
19 décembre 2023 au Théâtre d’Angoulême – Scène nationale.
12 au 14 janvier 2024 au festival Suresnes Cités Danse au Théâtre de Suresnes Jean Vilar
Plus de dates sur leilaka.fr
Chorégraphie de Leïla Ka assitée de Jane Fournier Dumet
Avec Jennifer Dubreuil Houthemann, Jane Fournier Dumet, Leïla Ka, Zoé Lakhnati, Jade Logmo.
Création lumière et régie lumière de Laurent Fallot
Régie son – Rodrig De Sa