Renaud Meyer a bien des cordes à son arc. On l’a connu comédien, puis metteur en scène, puis romancier, avec Les deux morts d’Hannah K, et auteur de pièce de théâtre, avec Zelda et Scoot, qui réunissait au plateau Sara Giraudeau, Julien Boisselier et Jean-Paul Bordes. Sa dernière mise en scène, co-signée avec Sara Giraudeau, Le syndrome de l’oiseau de Pierre Pré-Hardy, a valu à la comédienne de recevoir le Molière de la meilleure comédienne dans un spectacle de théâtre Public. Son quatrième roman, Terre étrangère, séduit par la douce mélodie qu’il produit, portant une résonance à nos propres réflexions sur le sens de la vie.
Tempête sous un crâne
Quand le cancer vient frapper votre corps, votre cœur en prend un coup. La perception du monde qui vous entoure se modifie. Vos sens perdent la direction d’une vie et tout est remis en question, il faut trouver un cap à tenir. Car au bout du chemin, il y a soit la mort, de toute manière inéluctable, soit ce que l’on préfère tous : la rémission, voire la guérison. En tout, plus rien ne sera pareil, on ne renaît pas à la vie sans renouvellement. Et une furieuse envie de vivre… Renaud Meyer aborde avec la belle délicatesse qu’on lui connaît, l’instant où la maladie surgit, et la bataille qui s’ensuit.
Kathia Steiner à la vie devant elle. Enfin c’est ce que la violoncelliste virtuose pensait. Avec une belle carrière, un mari qu’elle aime, une fille adorable, une mère originale mais aimante, Kathia n’avait pas à se plaindre. Le seul petit hic était un grand-père atteint d’Alzheimer. Comme cela va de pair avec la vieillesse, ce n’était pas plus grave que cela. Lorsque le crabe arrive, sous la forme d’un cancer du sein, son univers s’écroule. L’auteur décrit très bien les bouleversements que traverse la jeune femme, ses peurs, ses craintes, ses douleurs, sa force, sa perte de patience et surtout sa terrible envie de vivre… Kathia veut être une survivante, ce que bien de ses ancêtres n’eurent pas le droit d’être.
À la recherche du passé pour construire le futur
C’est là que Renaud Meyer surprend dans son récit. Il installe une quête, celle d’un passé ignoré par Kathia. Celui qui est en train de s’effacer dans la mémoire de son grand-père. En remontant le fil cassé de l’histoire de sa famille, en partant à la découverte de son arrière-grand-mère, Kathia découvre une Terre étrangère qui lui permettra de reprendre racine. On peut véritablement parler d’une petite musique dans le style de l’auteur. Telle une partition, les mots et les sentiments forment une sonate douce à lire. On vibre autant sur les pensées de Kathia que sur celle de son époux qui, pour ne pas la perdre totalement, part À la recherche du temps perdu de Proust.
Autre originalité, le récit est entremêlé de références musicales. Celles qui permettent à la violoncelliste de se reconstruire. On conseille vivement de bien les écouter, comme le Kaddish de Ravel, Jewish song de Bloch. C’est très beau.
Marie-Céline Nivière
Terre étrangère de Renaud Meyer
Éditions Buchet Chastel.
Paru le 17 août 2023
224 pages
Prix conseillé 19,50 €.
Reprise du Syndrome de l’oiseau, à partir du 23 janvier 2024 au Petit Saint-Martin.