Deux femmes, l’une reine despotique, bientôt sanguinaire, l’autre, damoiselle, jeune et jolie, se consument d’une passion dévorante, fatale pour un même cœur. En dépoussiérant du superflu cette tragédie romantique signée Victor Hugo, Pascal Faber signe une pièce noire, très contemporaine sur les amours fous, sur la course au pouvoir. Un joli moment de théâtre.
Dans un décor des plus minimalistes, propice à l’imagination, des silhouettes se glissent hors de la pénombre. Encapuchonnées, masquées, elles se cherchent, se rencontrent dans les rues du vieux Londres. Êtres de la nuit, elles complotent à mi-voix. Proches du pouvoir, elles n’ont qu’un objectif débarrasser la Reine d’Angleterre, Marie Tudor (enragée Séverine Cojannot), de son trop encombrant et aventurier amant, Fabiano Fabiani (charismatique Frédéric Jeannot). Pour cela, elles sont prêts à tout ,quitte à sacrifier la vie d’un homme, celle d’un pauvre hère, un ouvrier-ciseleur du nom de Gilbert (épatant Pierre Azéma).
Pour perdre l’honni favori, aux yeux de la très jalouse et tyrannique souveraine, les conjurés s’apprêtent à révéler l’amourette du coureur de jupons avec la belle Jane (candide Joëlle Lüthi), une orpheline que le trop gentil artisan s’apprête à épouser après l’avoir recueillie et élevée. Très vite, tous nos protagonistes seront pris dans le furieux tourbillon méticuleusement organisé par le chef des comploteurs, Simon Renard (surprenant Pascal Faber), légat du futur époux de la reine. Rien ne pourra arrêter l’infernale et funeste machination dont personne ne sortira indemne.
Elaguant avec ingéniosité le texte dense de Victor Hugo, Pascal Faber revisite les amours de la sanglante Marie leur donnant une profondeur noire, une férocité plus âpre. S’attachant tout particulièrement à la Reine et à l’artisan Gilbert, il oppose avec habilité peuple et despote, opprimé et oppresseur, montrant que le pouvoir de l’un limite parfois celui de l’autre. Préférant l’épure, sa mise en scène très moderne souligne son propos et donne la part belle aux comédiens.
Pierre Azéma campe avec finesse l’homme bourru au cœur blessé. Voix caressante et regard intense, il évite de tomber dans le mièvre et le sirupeux de son personnage. Séverine Cojannot est flamboyante en Reine folle d’amour. À la limite de l’hystérie, elle donne corps à cette femme monstre terriblement humaine perdue par une passion dévorante, brûlante. Joëlle Lüthi offre sa blondeur naïve à Jane et révèle une vraie force dans sa confrontation finale avec la souveraine. Le reste de la distribution, Pascal Faber, Pascal Guignard et Frédéric Jeannot sont de la même trempe.
Loin du théâtre classique, laissez vous séduire par cette Marie Tudor contemporaine, cette femme à la raison vacillante, prête à tous les crimes pour assouvir ses désirs. Un moment de théâtre intense et vibrant à ne pas rater !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Marie Tudor de Victor Hugo
théâtre Rive-Gauche
6, rue de la Gaîté
75014 Paris
jusqu’au 11 décembre 2017
les lundis à 20h
durée 1h30
Mise en scène de Pascal Faber Assisté de Bénédicte Bailby
avec Pierre Azéma, Séverine Cojannot, Pascal Faber, Pascal Guignard, Frédéric Jeannot, Joëlle Lüthi
Création sonore de Jeanne Signé
Lumières de Sébastien Lanoue
Costumes de Madeleine Lhopitallier
Crédit photos ©David Krüger