À la Maison de la Musique de Nanterre, c’est placement libre. Et avec lui son éternel dilemme du positionnement idéal quand on ignore tout d’une scénographie. Plutôt que de se perdre dans les hauteurs, pourquoi ne pas se rapprocher de l’âtre pour goûter au plus près la chaleur de ce Fêu. Celui-ci a d’ailleurs hérité d’un intrigant accent circonflexe. Une coquetterie de chorégraphe à l’heure des moteurs de recherche.
Brasier humain
Il est bien là, cet âtre, au centre de la scène, matérialisé par une lueur autour de laquelle se regroupent les dix danseuses. Comme des insectes attirés par la lumière, elles tournent autour dans un mouvement bien réglé. Tout est comme étouffé par un voile qui atténue l’éclat dont on ne perçoit pas tout de suite qu’il s’agit d’un filet circulaire. Ecrin protecteur, prison, aréna pour cette course effrénée dont elles s’extraient parfois, en solitaire, mais pour mieux s’y replonger comme aimantées. La force d’un collectif puissant et généreux.
Ces mouvements circulaires répétitifs, et de plus en plus rapides, ne laissent pas place au doute : il est question de sorcellerie, de magie noire dans cette pièce qui tire son inspiration des réunions féminines surgies de la mémoire enfantine du jeune Fouad élevé au Maroc entre sa mère et ses tantes. Ces dix femmes, telles des sorcières, sont mues par une énergie vitale inextinguible. C’est donc cela, avoir le feu sacré…
Danser jusqu’à l’épuisement
Au bout d’une trentaine de minutes, le filet chute, laissant à découvert les dix danseuses jamais exsangues. La relation au public est alors moins étouffée, plus frontale. Leur épuisement s’offre à nous alors qu’elles tentent de casser la folie giratoire. Chacune se désolidarise du groupe pour développer ses propres figures. Mais se laisse happer de nouveau, consentante, vers la frénésie collective.
Comme dans ses créations précédentes, Fouad Boussouf pousse les corps dans leurs retranchements physiques. Et les dix interprètes qu’il a choisies affichent un sacré répondant. Les dix interprètes, toutes incroyables, se jettent dans cette bataille avec beaucoup de cran. Même à bout de souffle, elles repartent dans l’agora pour un ultime élan, tiraillées entre l’aspiration à l’envol et la tentation de se fondre dans l’intimité du cocon protecteur. Avec leurs chevelures s’agitant dans tous les sens, balayant le sol ou cinglant l’air comme des étendards victorieux, elles insufflent à cette pièce une fougue grisante.
Claudine Colozzi
Fêu de Fouad Boussouf
Compagnie Le Phare – CCN du Havre Normandie
Présenté le 14 octobre à la Maison de la musique
8 Rue des Anciennes Mairies
92000 Nanterre
Durée 1h
Tournée 2024-2025 cliquez ici
Tournée 2023-2024
18 au 21 octobre 2023 au Théâtre du Rond-Point, Paris (75)
10 novembre 2023 au Figuier Blanc , Argenteuil (95)
21 et 22 novembre 2023 au Volcan, scène nationale du Havre (76)
15 décembre 2023 à Scène de Bayssan, Béziers (34)
20 au 22 décembre 2023 au Quartz – scène nationale de Brest (29)
02 et 03 février 2024 au Théâtre de St Quentin en Yvelines (92)
07 février 2024 au Cratère, scène nationale d’Alès (30)
09 février 2024 au Théâtre de Nîmes (30)
08 mars 2024 au Théâtre Jean Vilar, Vitry sur Seine (94)
16 mars 2024 à Bregenzer Frühling, Festspielhaus, Bregenz [Autriche]
12 avril 2024 au Festspielhaus – St Pölten [Autriche]
20 avril 2024 à La Passerelle, scène nationale de St Brieuc (22)
26 avril 2024 au Concertgebouw – Brugge [Belgique]
29 mai 2024 au théâtre d’Orléans – scène nationale (45)
31 mai 2024 Equinoxe, scène nationale de Châteauroux (36)
Direction artistique et chorégraphie de Fouad Boussouf
Avec Serena Bottet, Filipa Correia Lescuyer, Léa Deschaintres, Rose Edjaga, Lola Lefevre, Manon Parpotnich, Fiona Pitz, Charlène Pons, Valentina Rigo, Justine Tourillon
Musique de François Caffenne
Scénographie d’Aurélie Thomas
Collaboration artistique & regard extérieur – Natacha Ballet
Costumes de Glawdys Duthil
Lumières de Lucas Baccini