À l’initiative de Dimitri Baquet, directeur du Théâtre Georges-Leygues, nous nous sommes rendus à Villeneuve-sur-Lot, découvrir l’importance d’un théâtre municipal dans la cité. Un week-end riche d’expériences culturelles.
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En juillet, dans la douce folie avignonnaise, je croise Dimitri Baquet qui vient, comme on dit, faire son marché au Festival. Depuis le 1er février 2021, il est à la direction du Théâtre Georges-Leygues de Villeneuve-sur-Lot. En tant que responsable du pôle spectacle vivant, il est en charge de l’administration et de la gestion des budgets et des équipes du théâtre, mais aussi du Centre culturel Jacques-Raphaël et de la programmation de la saison, de la construction des médiations et des actions culturelles. « Le tout sous l’autorité du Maire, Guillaume Lepers, de l’adjointe à la culture, Anne-Marie Davelu-Chavin et d’un directeur des affaires culturelles, Dominique Monnoyeur ». Lorsque je lui demande comment on fait vivre un théâtre municipal, il me répond : « viens voir sur place». Quelque temps plus tard, il me contacte pour me proposer de venir le week-end du 13 octobre, assister à l’ouverture de saison et à une construction monumentale éphémère. Ainsi, je pourrais me faire une idée.
Le théâtre Georges Leygues
La France regorge de théâtres municipaux. Ces services publics, gérés par la municipalité, offrent aux habitants mais aussi au territoire la possibilité d’accéder à la culture en présentant des spectacles et en proposant un accompagnement culturel auprès des écoles et des institutions.
Quand on découvre celui de Villeneuve-sur-Lot, situé en plein cœur de la ville, on ne peut qu’être surpris par la magnificence du bâtiment. Dimitri Baquet m’explique qu’il existe grâce au financement de Georges Leygues, édile de la IIIe République. Situé sur l’emplacement de l’ancienne prison, ce magnifique bâtiment, conçu par l’architecte Guillaume Tronchet, est un pur chef-d’œuvre Art déco, muni d’une salle à l’italienne pouvant accueillir plus de six cent spectateurs. Le lieu a été inauguré en 1935, après la mort de son fondateur, en présence de Sacha Guitry. Voilà, pour la petite histoire, celle d’un cadet de Gascogne qui aimait les arts et qui voulait que sa ville natale possède un théâtre.
Une programmation riche et variée
Sur les deux frontons du théâtre, je découvre la programmation de la saison 2023-2024. Pas moins de quarante-huit propositions de spectacles — théâtre, musique et danse. On y trouve des grands succès parisiens, mais également des découvertes. Comme le résume bien le programme : « Ça virevolte, ça guinche, ça swingue, ça rit, ça pleure, ça reswingue… ». Il y en a pour tous les goûts et tous les âges. Lorsque j’interroge le Maire, Guillaume Lepers, sur la nécessité de politique culturelle, il affirme sa fierté du travail effectué par ses équipes, car « seule la culture est capable de faire vivre des belles rencontres et des moments d’émotion ». Il termine, en empruntant une phrase à Georges Pompidou : « La culture, c’est comme le bonheur cela se partage ».
Place au spectacle
Sur la place du centre-ville, le vendredi 13, il y a de l’animation. Celle de la « Corrida des pruneaux ». C’est dans le cadre de cette manifestation, organisée par la Maison Roucadil et la Boutique des Pruneaux, qu’est proposée l’ouverture de la saison théâtrale. Dimitri Baquet l’a voulu festive et joyeuse. En programmant Plein feu du Cabaret extraordinaire, il a touché juste. En arrivant au théâtre, nous avons la surprise de voir devant la billetterie une longue file d’attente. Je m’interroge, car en tant ordinaire, les spectateurs des théâtres municipaux, tels des abonnés, prennent leur billet très en amont. « Depuis le covid, cela a un peu changé les habitudes, mais ce soir, c’est impressionnant » reconnaît un directeur dans un grand sourire. « On va avoir un peu de retard, mais ce n’est pas grave ! ».
Pendant ce temps-là, un certain Jean-Jacques met le bazar dans la salle, déplaçant les spectateurs. Avec ses allures de Jean-Claude Dusse des Bronzés, Philippe Aymard est un clown inénarrable. Une fois tout le monde à sa place et à la bonne, le spectacle peut démarrer. Cette « revue théâtre », sous la direction artistique d’Armelle Hédin, est une succession de numéros de cirque, de magie, de danse et de chansons. En maîtresse de cérémonie, Stéphanie Barreau est épatante, tout comme le sont Yanowski et Fred Parker (Le cirque des mirages), Immo, Cloé Horry et Inès Valarcher. On est dans un esprit burlesque des plus savoureux, qui déclenche des éclats de rire mais aussi des silences d’admiration.
La construction monumentale
Ce même week-end, le Musée de Gajac inaugurait son exposition, Architecture de papier. Le Théâtre Georges Leygues devait trouver un projet pour accompagner l’événement. Dimitri Baquet se souvient alors qu’une de ses collaboratrices avait assisté à Bordeaux à une construction monumentale participative en carton d’Olivier Grossetête. Il la tient, son idée ! L’artiste accepte sa proposition et choisit de bâtir en carton la réplique de La Tour de Paris, un vestige architectural moyenâgeux de la ville. Il débarque avec son équipe dès le 9 octobre. Pour ce projet participatif, enfants, adultes, et même les personnes âgées, sont amenés à construire des pièces en cartons en amont. Celles-ci, tous numérotés, vont permettre d’édifier la tour.
Le samedi matin, lorsque nous arrivons sur le parking de la République, cela s’affaire et la toiture est déjà montée. Telles des petites fourmis, les habitants passent donner un coup de main, sous les ordres du maître d’œuvre, l’artiste. En repassant l’après-midi, nous sommes surpris par l’avancée des travaux. Comme tout se fait à la force des bras, quand il faut monter d’un étage, tout le monde se porte volontaire pour que la tour s’élève et que l’on glisse en dessous de nouveaux éléments. Ensuite, on scotche les éléments entre eux ! C’est impressionnant l’énergie positive qu’entraîne cette grande construction. Le Maire passe. Il n’en revient pas de l’ambiance qui règne et de la beauté de l’ouvrage.
La déconstruction
Le dimanche, le rendez-vous est pris à 16h pour inaugurer la tour et ensuite la détruire. Nous sommes dans l’éphémère. L’œuvre disparaît, soit, mais elle restera dans les mémoires de tous. Le parking situé en face du théâtre, habituellement désert un dimanche, est noir de monde. « Il y a en qui sont là depuis 14 h ! » me raconte une bénévole. « Même le Maire est arrivé en avance ! » Olivier Grossetête et son équipe vérifient que tout est bien en ordre. Armé de son mégaphone, il explique la marche à suivre.
Aux quatre coins de la tour, des cordes sont tendues. Le Maire en tête, les plus costauds tirent sur les cordes. Il est impressionnant de regarder cet édifice s’écrouler. Après la chute, grands et petits se précipitent dessus. Il faut les voir piétiner dans de grands éclats de rire les éléments, les arracher pour les jeter dans une benne à ordure. À Villeneuve-sur-Lot, le temps record de la déconstruction a été battu ! Le travail de Grossetête touche à la fois, comme il le dit, « l’architecture, mais aussi les arts plastiques, la performance, le théâtre de rue ». Son travail est à la fois magnifique et bouleversant, car il génère cette impulsion « du vivre ensemble, de faire en commun des choses ». C’est beau !
Marie-Céline Nivière – Envoyée spéciale à Villeneuve-sur-Lot.
Théâtre Georges Leygues
2 boulevard de la République
47300 Villeneuve-sur-Lot
Musée de Gajac
2 Rue des Jardins
47300 Villeneuve-sur-Lot
Plein feu
Informations et tournée sur le site avril en septembre.
Site Olivier Grossetête