Marie Charlet © Jean-Michel Grad

Qui se cache derrière Rosemary Lovelace ? L’épatante Marie Charlet

Coup de projecteur sur Marie Charlet qui offre son talent à ce personnage truculent de Rosemary Lovelace, au théâtre Montmartre Galabru.

Marie Charlet © Jean-Michel Grad

Tous les lundis au théâtre Montmarte Galabru, Marie Charlet se transforme en un personnage haut en couleur, Rosemary Lovelace, une Barbara Cartland à la française bien déjantée. La chanteuse-comédienne a répondu au questionnaire de cette surexposition bien mérité avec un beau brin d’humour et beaucoup de sincérité.

© Jean-Michel Grad

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
J’ai 6 ans. Avec ma tante qui n’a guère qu’une dizaine d’années de plus que moi, nous sommes sur un matelas au milieu du salon dans la maison de mes grands-parents et nous jouons Le naufrage du radeau de la Méduse façon Géricault. Je suis subjuguée parce que ma tante a la capacité de pleurer sur commande, comme ça, tout d’un coup. J’aimerais tellement faire comme elle !

Rosemary Lovelace © Irina Sovkine
Rosemary Lovelace © Irina Sovkine

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
À 16 ans, je gratouillais la guitare en chantant Hugues Aufray, Brel, Brassens… J’ai été repéré par un groupe de musique folk rock qui voulait que j’intègre leur formation. « Trop jeune, passe ton bac d’abord » m’ont dit mes parents. Je me suis jurée alors qu’un jour, je monterai sur scène.

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être chanteuse et comédienne ?
Issue d’une famille de musiciens, j’ai débuté par le chant sacré, Bach, Haendel… mais rapidement, le côté « statique » de ce type de répertoire m’a poussé à explorer d’autres registres. L’opéra, l’opérette et les chansons à texte se sont alors révélés de magnifiques tremplins vers la mise en espace et le théâtre. D’ailleurs le mélange chant/théâtre/danse reste pour moi l’opportunité d’explorer tous les champs des possibles.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
L’école des femmes de Molière dans la troupe de théâtre du lycée. Je jouais le rôle d’Agnès avec sa célèbre réplique : « le petit chat est mort ». J’avais tellement le trac que j’ai dit « le petit rat est mort ». La salle a explosé de rire. J’aurais voulu rentrer sous terre mais j’ai serré les dents et j’ai continué même si j’étais morte de honte.

Votre plus grand coup de cœur ?
La cage aux folles avec Poiret et Serrault. Ce soir-là, ils étaient déchaînés et n’arrêtaient pas d’improviser. C’était une surenchère de tous les instants. La salle était hystérique. J’aurais tellement aimé être à leur place et pouvoir se dire « c’est moi qui arrive à faire ça, à faire rire une salle entière ».

Marie Charlet - Tartuffe © DR
Madame Pernelle dans Tartuffe de Molière, mise en scène de Frantz Morel à L’huiisier, Atelier théâtre La Ferronnerie © DR, collection privée

Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Catherine Hunold, ma première professeure de chant lyrique, qui a su repérer le feu qui couvait sous la glace et qui m’a appris les fondamentaux que l’on retrouve dans beaucoup de disciplines artistiques. « Si tu oublies les paroles », me disait-elle, « tu ne t’arrêtes pas, tu chantes le bottin ou la liste des courses mais tu continues de chanter ». Et puis bien sûr toutes les personnes qui m’ont aidée et m’aident encore à grandir dans ce métier, à donner le meilleur de moi-même, à révéler l’autre facette de la Marie très sage.

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Ce métier me permet de montrer un autre moi-même, de sortir du cadre, de donner libre cours à ma fantaisie. C’est une opportunité unique d’être à la fois Docteur Jekyll et Mister Hyde, d’être à contre-pied de la Marie sérieuse, organisée, bien rangée qui existe au quotidien. Pouvoir montrer son double maléfique et foutraque sur scène, être à l’opposé de l’image que les gens ont de moi, c’est jubilatoire. C’est pour cela que j’adore les rôles de folle, de sorcière, de garce, de femme fatale !

Qu’est-ce qui vous inspire ?
D’abord, la façon d’interpréter. Je me nourris de tous ces grands du théâtre, de la chanson, du répertoire comique, capables de faire passer les émotions sans en faire jamais trop. Ensuite les textes. Notre langue est magnifique et savoir manipuler les mots pour choisir finalement celui qui fera mouche à tout coup relève du grand art. Je peux rester des heures à écouter un Desproges ou un Devos. Mon grand-père, linguiste distingué, n’est sûrement pas étranger à cette passion des mots.

De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Je suis morte de trouille 5 minutes avant chaque début de spectacle, le corps et l’esprit totalement vides, mais quand j’arrive sur la scène, c’est comme si tout d’un coup le sol me fournissait l’énergie nécessaire, comme si je faisais corps avec lui. Sentir le plateau sous mes pieds, c’est comme rentrer à la maison.

A quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Indéniablement les yeux. Ne dit-on pas qu’ils sont le miroir de l’âme ? On peut y faire passer tellement d’émotions, de sentiments, parfois même en totale contradiction avec ce que reflète le corps.

Marie Charlet dans "Barbe-Bleue" © DR
La reine Clémentine dans Barbe-Bleue d’Offenbach par la Cie DivinOpéra © DR, collection privée

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
J’aurais adoré faire partie de l’équipe de Au théâtre ce soir qui a bercé toute mon enfance, jouer dans les décors de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell. Tant pis ! Ce sera donc toutes celles et ceux qui auraient l’envie de travailler avec moi, pourvu qu’ils soient exigeants mais bienveillants.

À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Une comédie musicale à grand spectacle avec des plumes et des paillettes et dans laquelle j’aurais un rôle de femme fatale !

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Carmen, sans conteste, pour sa dimension tragique, son statut de femme libre prête à aller au bout de ses passions. Un magnifique rôle de garce comme je les aime !

Propos recueillis par Marie-Céline Nivière

Rosemary Lovelace fait ça devant tout le monde ! Théâtre musical conçu par Marie Charlet et Frantz Morel À L’huissier.
Théâtre Montmartre Galabru
4, rue de l’Armée d’Orient
75018 Paris.
Reprise à partir du 18 septembre jusqu’au 18 décembre 2023.
Les lundis à 19h30.
Durée 1h10.

Mise en scène de Frantz Morel À L’huissier.
Avec Marie Charlet et Anne Cadilhac.
Mise en corps par Philippe Bonhommeau.
Arrangement musical d’Emmanuel Dubus.
Scénographie d’Agathe de Louvigny.
Lumières d’Elsa Leforestier.
Perruque Gérard Morel A L’huissier.
Création maquillage Émeline Olivier.

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