Au théâtre du Crochetan à Monthey, la chorégraphe suisse invite, avec Chora, le public à monter sur scène, à se fondre dans le décor et à participer à un show immersif qui questionne la place de chacun dans un microcosme qui se réinvente à chaque instant.
© Michaël Mauriciens
Un immense rideau noir cache la scène. Pour y accéder, il faut emprunter un petit escalier côté jardin. Au centre du plateau, trois praticables servent d’unique décor. D’un geste de la main, Rafaële Giovanola invite le public à investir les planches. Naturellement, les spectateurs prennent place en bordure de la cage de scène, s’assoient parterre ou s’appuient sur les murs. Un bruit sourd, un vrombissement se fait entendre. Des coulisses émergent les sept danseurs – tous dotés d’une incroyable et lumineuse présence. Pas lents comme ralentis, ils se mêlent au public, tournent autour des uns, se rapprochent d’autres sans les toucher, les effleurer à chacun d’accepter ou non l’autre qui pénètre dans son espace vital, sa bulle intime.
Communions humaines
En invitant le public sur scène, au plus près du mouvement, la chorégraphe, artiste associée du Crochetan, propose une immersion au cœur de son écriture tout en questionnant notre rapport à l’autre, cet inconnu si loin, si proche. Comme habités par la nappe musicale imaginée en duo par Franco Mento et Jörg Ritzenhoff, les interprètes se meuvent dans cet espace scénique changeant et singulier que délimite les spectateurs. Bien qu’invité à se déplacer pour appréhender différemment cette œuvre mouvante, la plupart n’ose pas bouger, reste figer. Il faut du temps pour s’adapter, pour se laisser emporter par un geste, un mouvement, un pas de deux.
Le ballet se fait peu à peu monde. Le spectacle change de teneur et devient hyperactif et fascinant dès que l’on s’autorise à faire partie du tableau, à entrer dans la danse. Les corps des uns et des autres communient en une sorte de transe quasi charnelle bien que distanciée. Un muscle saillant, la courbe d’un sein, une odeur, le pli d’un tissu, tout devient comme amplifié par le zoom de notre imaginaire. Le temps est suspendu. Imperceptiblement, le style de Rafaële Giovanola fait jour. Les danseurs deviennent créatures, s’enroulent les uns aux autres pour ne faire qu’un.
Un écrin de lumières
Après nous avoir captivé avec Vis Motrix, séduit avec Hibridity, la chorégraphe basée à Bonn poursuit son travail autour des différentes dimensions qui font spectacle. Brisant le quatrième mur, cette fois, elle démultiplie les gestes pour obliger le spectateur à quitter le confort du noir, sa place de témoin, pour agir et interagir. Si en ce soir de première, une partie du public avait du mal à lâcher prise, à se fondre totalement dans le show, la graine de cette communion d’âmes et de corps ne demande qu’à germer. D’autant que les lumières du tandem David Glasse – Jan Wiesbrock invitent à la rêverie et cisèlent magnifiquement l’espace créant ainsi des images, certes fugaces, mais d’une belle intensité.
En collaboration avec ses danseurs – Martina De Dominicis, Margaux Dorsaz, Álvaro Esteban, Clémentine Herveux, Marin Lemic, Bojana Mitrovic, Evandro Pedron – , Rafaële Giovanola signe un spectacle immersif qui prend son temps à s’installer, mais finit par envoûter littéralement !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Monthey (Suisse)
Chora de Rafaële Giovanola
Théâtre du Crochetan
9 Avenue du Théâtre
1870 Monthey, Suisse
jusqu’au 8 octobre 2023
Durée 60 min
Tournée
2 au 11 Novembre 2023 au Bonn Theater im Ballsaal
19 octobre 2023 au Ringlokschuppen Ruhr Mülheim (DE)
8 & 9 décembre 2023 au Cologne Tanzfaktur
mise en scène de Rafaële Giovanola
chorégraphie de Rafaële Giovanola en collaboration avec Martina De Dominicis et Álvaro Esteban
de et avec Martina De Dominicis, Margaux Dorsaz, Álvaro Esteban, Clémentine Herveux, Marin Lemic, Bojana Mitrovic, Evandro Pedroni // Jenna Hendry, Cristina Commisso, Colas Lucot
co-auteurs – Martina De Dominicis, Álvaro Esteban, Fa-Hsuan Chen, Susanne Schneider
composition de Franco Mento, Jörg Ritzenhoff
recherche sonore de Manuel Riegler
lumière, espace – David Glassey, Jan Wiesbrock
costumes de Fa-Hsuan Chen
dramaturgie, concept – Rainald Endrass