Au théâtre de la Porte Saint-Martin, Le chapeau de paille d’Italie d’Eugène Labiche, mis en scène par Alain Françon, avec Vincent Dedienne dans le rôle principal, est l’événement attendu de cette rentrée. Nos espérances sont comblées, ce spectacle est une petite merveille !
© Jean-Louis Fernandez
Pourvu de tout ce qui en fait le charme, quiproquos, rebondissements, répétitions, tics de langage…, ce vaudeville est une merveille du genre. Le burlesque du cinéma muet y a puisé son inspiration. Mais cette œuvre va plus loin. Labiche nous montre l’inconscient en action, celui d’un homme qui semble éprouver une grande angoisse à s’engager. Cela permet à l’auteur de tirer allègrement sur le fil du comique de situation et de se lâcher dans le rocambolesque. C’est également, une satire sociale, où deux mondes se confrontent. D’un côté, Fadinard, bourgeois rentier et parisien, de l’autre, la noce, composée de petits commerçants de province, totalement paumés dans les codes et usages de la ville. Une question se pose aussi : le mariage, débouche-t-il automatiquement sur l’adultère ?
Un joyeux tourbillon
Le matin de ses noces, Fadinard va vivre un véritable cauchemar. Au bois de Vincennes, son cheval a mangé négligemment le chapeau de paille d’une femme qui prenait du plaisir dans un fourré avec son amant. Ce dernier, vigoureux militaire exige, sous peine de mort, que le jeune homme retrouve illico un chapeau identique. Pour éviter une tragédie, le jeune homme part à la recherche du couvre-chef, suivit, voire même poursuivit par toute la noce qui ne comprend rien à ce qui se passe. La comédie est lancée !
Quelle mise en scène !
Françon s’amuse avec cette idée de cauchemar. Alors, oui, c’est sombre, comme le sont les rêves tourmentés. C’est aussi très coloré, car cela demeure une comédie ! N’oublions pas que « le rire peut longer l’angoisse » ! Utilisant pleinement l’immense plateau de la scène du théâtre la Porte Saint-Martin, le metteur en scène impose un style admirable, qui s’appuie sur une scénographie grandiose, digne de la Comédie-Française. Un des rares lieux, avec l’Opéra de Paris, à pouvoir s’offrir des décors démesurés ! Comme il est souvent d’usage d’associer la musique avec le vaudeville, Françon a demandé au groupe de rock Feu ! Chatterton de composer les intermèdes joués en direct par trois musiciens et les chansons interprétées par les comédiennes et comédiens. Les synthétiseurs et la batterie surprennent d’abord pour séduire assez vite. Sans aucune cassure de rythme, les 5 actes et leurs changements de décors s’enchaînent aisément. On ne peut pas dire que l’on s’ennuie !
Quelle troupe !
19 comédiennes et comédiennes sur une scène d’un théâtre Privé, le fait est assez rare pour être souligné ! Françon est un fin ciseleur ! Tous les actrices et acteurs, rôle important ou figuration, sont à leur place. Suzanne de Baecque en jeune pucelle apeurée, Marie Rémond en femme volage, Éric Berger en militaire obtus, Emmanuelle Bougerol en comtesse farfelue, Rodolphe Congé en sourd comme un pot sont épatants. Laurence Cote, Noémie Develay-Ressiguier, Luc-Antoine Diquéro, Antoine Heuillet, Tommy Luminet et Alexandre Ruby ne déméritent pas.
Formidable Dedienne
Toute la pièce tourne autour de Fadinard, un des plus beaux personnages du vaudeville. Parce qu’il n’est jamais méchant et qu’il est sincère dans son amour pour sa future épouse. C’est juste un jeune homme pressé et anxieux. Ce rôle va à ravir à Vincent Dedienne Bouillonnant avec agilité, il mène la danse de cette ronde improbable avec un sens du comique très finement exploité. Comme on a aimé sa chevelure, toute sage au début et totalement ébouriffée, comme au saut du lit, à la fin, ses jeux de jambes, ses regards effarés à chaque situation…
Impressionnante Anne Benoit
L’autre personnage important est Nonancourt, le père de la mariée. Celui qui s’écrit à tout va dès que quelque chose le dépasse, « Mon gendre ! Tout est rompu ! ». Dès le début, on est étonné et l’on se demande qui peut être ce comédien hénaurme dont le jeu ne cesse de nous surprendre ! Et puis, petit à petit, parce que l’on reconnaît son phrasé inimitable, on retrouve grimé la pittoresque Anne Benoit ! Jamais Nonancourt n’a eu de si brillant interprète. C’est brillant !
Marie-Céline Nivière
Un chapeau de paille d’Italie d’Eugène Labiche
Théâtre de la Porte Saint-Martin
18 boulevard de la Porte Saint-Martin
75010 Paris.
Jusqu’au 31 décembre 2023.
Du mercredi au vendredi à 20h30, samedi à 16h et 20h30, dimanche à 16h.
Durée 2h.
Mise en scène d’Alain Françon.
Musiques de Feu ! Chatterton
Avec Vincent Dedienne, Anne benoît, Éric Berger, Emmanuelle Bougerol, Rodolphe Congé, Laurence Côte, Suzanne De Baecque, Luc-Antoine Diquéro, Noémie Develay-Ressiguier, Antoine Heuillet, Tommy Luminet, Marie Rémond, Alexandre Ruby, Et les apprenti.e.s du Studio – ESCA : Balthazar Gouzou, Victor Lalmanach, Noémie Moncel, Léa Constance Piette, Fiona Stellino, Baptiste Znamenak.
Musiciens Alexandre Bourit, Alexandre Delmas, Lola Warin.
Décors de Jacques Gabel
Lumières de Joël Hourbeigt
Costumes de Marie La Rocca.
Perruques et maquillages de Cécile Kretschmar.
Assistante à la mise en scène Franziska Baur.
Coach de mouvement Emma Kate Nelson.
Cheffe de chant Sylvie Deguy.
Son Yoann Blanchard.
Régie générale Benjamin Bertrand.