Mata Hari - Marc Fayet - Delphine Priad - Arianne Mourier © Fabienne Rappeneau

Delphine Piard et Ariane Mourier subliment Mata Hari

Au Théâtre Montparnasse, Ariane Mourier fait revivre Mata Hari dans le très beau spectacle de Delphine Piard et Marc Fayet.

Mata Hari - Marc Fayet - Delphine Priad - Arianne Mourier © Fabienne Rappeneau

Créée au théâtre des Béliers d’Avignon lors du précédent Off, Mata Hari ou la justice des hommes s’installe en toute logique à Paris, au Petit Montparnasse. Cette pièce très réussie nous plonge au cœur d’une énigme historique passionnante.

© Fabienne Rappeneau

La jeune metteuse en scène Delphine Piard, à qui l’on doit déjà un formidable Arsène Lupin, tombe par hasard, alors qu’elle flâne dans une librairie, sur une biographie de Mata Hari. Vite prise de fascination pour ce personnage énigmatique, elle demande à Marc Fayet, comédien et auteur émérite de pièces chorales et de comédie de théâtre, de se pencher sur le sujet. Qui était vraiment Mata Hari ? Une espionne au service de l’Allemagne ? Une demi-mondaine trop avide de reconnaissance et de luxe ? Une femme sacrifiée par une société patriarcale ? Les deux artistes ont surtout compris qu’elle était un sujet parfait pour un spectacle. Le résultat l’est tout autant, formidable tant du point de vue de la narration que de la construction.

Une aventurière au destin tragique
Mata Hari - Marc Fayet - Delphine Priad - Arianne Mourier © Fabienne Rappeneau
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Le spectacle débute sur une image remarquable. Trois bandes de soies jaunes descendent des pendrillons. Derrière l’une d’elles, on devine, en ombre chinoise, un corps superbe se mouvant dans une danse tantrique, les bras et le bassin ondulant avec grâce. L’image de fin est tout aussi impressionnante : un coup de feu, un corps qui s’écroule, tel un cygne noir, et disparaît dans son long manteau.

Entre ses deux scènes, nous allons découvrir le parcours de cette égérie de La Belle Époque, qui donna à l’effeuillage ses lettres de noblesse. Cette demi-mondaine, avide de reconnaissance et de luxe, n’a jamais su choisir ses hommes et ses protecteurs. Ce qui fera son malheur. 1917, en pleine Première Guerre mondiale, alors que le combat s’enlisait, que les soldats commençaient à se rebeller, il fallait un exemple, pour montrer que l’armée n’était pas en déroute. Avec Mata Hari, une étrangère, une femme qui se voulait libre, une cocotte aux liaisons dangereuses, la raison d’État avait trouvé la coupable idéale.

« Quelle étrange coutume des Français que d’exécuter les gens à l’aube ! »

L’action se passe en février 1917. Mata Hari, de son vrai nom Margaretha Von Zelle, est emprisonnée à la prison de femmes de Saint-Lazare. Accusée d’espionnage au service de l’Allemagne, la belle courtisane se retrouve devant le capitaine Bouchardon, lequel est chargé d’instruire son procès. Pour s’en défendre, elle va alors dérouler le fil de sa vie et d’expliquer comment elle s’est retrouvée prise en étau entre ces deux « corps » d’armées ennemis, l’Allemagne et la France. Cela permet à l’auteur et à la metteuse en scène de mettre en place des tableaux finement dessinés. En plus de cette destinée bien particulière, ils retracent également le portrait cette société de la fin du XIXe siècle qui, face à l’essor du monde industriel, se rattache à de vieilles valeurs.

Mata Hari - Marc Fayet - Delphine Priad - Arianne Mourier © Fabienne Rappeneau
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La ronde des événements

La scène se divise en trois : côté jardin, le bureau austère du militaire ; côté cour, un espace libre, celui des souvenirs dans lequel surgiront table et chaises de bistrot, un orgue de barbarie… Au centre, une magnifique et gigantesque cage à oiseau. Le symbole est fort. Elle se fait tour à tour prison, carrousel, salle de spectacle. Cette trouvaille scénique est de toute beauté. Delphine Piard y déploie judicieusement la narration qui nous entraîne dans différentes périodes et lieux. C’est d’une grande finesse.

Une interprétation au cordeau

Ariane Mourier incarne Mata Hari avec un talent rare. Elle en a la grâce. La comédienne fait admirablement ressortir les contradictions d’une femme à la fois déterminée et fragile. Sa prestation est remarquable. Droit dans ses bottes, l’honneur en bandoulière, Olivier Claverie est parfait dans le rôle de ce capitaine qui, bien qu’incertain de la véracité des preuves, n’hésitera pas, au nom de la raison d’État, à condamner une femme à mort. N’oublions pas que cette armée n’a jamais hésité à s’en prendre à des innocents, Dreyfus en sait quelque chose. Bruno Paviot et Maud Le Guénédal ont la charge d’interpréter les autres protagonistes de l’histoire. Passant d’un registre à l’autre, d’une émotion à une autre, ils sont remarquables.

Marie-Céline Nivière

Mata Hari, ou la justice des hommes de Marc Fayet
Théâtre Montparnasse
31 rue de la Gaîté
75014 Paris.
Jusqu’au 5 novembre 2023.
Du mardi au samedi à 21h, dimanche à 15h.
Durée 1h30.

Mise en scène de Delphine Piard,
assistée de Laura Mottet.
Avec Ariane Mourier, Olivier Claverie, Bruno Paviot, Maud Le Guénédal.
Scénographie de Bastien Forestier.
Costumes de Bérengère Roland.
Lumières de Denis Koransky.
Musique de Raphaël Sanchez.
Chorégraphie de Linda Faoro.

© Théâtre du Montparnasse et Petit Montparnasse

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