À Belle-Île, de Palais à Bangor, en passant par la pointe des Poulains, si chère à Sarah Bernhardt, chants lyriques, opéras, musiques sacrées et compositions contemporaines font vibrer le cœur des festivaliers. Créé en 1998 par Richard Cowan et dirigé depuis 2017 par Philip Walsh, Lyrique-en-mer est devenu un rendez-vous incontournable pour les aoûtiens.
© OFGDA
La tempête des derniers jours a laissé peu de traces. Un vent frais, vif a tout balayé. Un soleil radieux, à peine voilé de quelques filaments nuageux, impose ses rayons dorés, sa chaleur réconfortante. Pour célébrer en beauté 25 années de festival, l’équipe de Lyrique-en-mer a mis un point d’honneur non seulement à revisiter les grands moments qui ont marqué le festival, notamment en retraversant certains morceaux qui ont fait la renommée de la manifestation, mais aussi en imaginant de nouvelles manières de partager musique et patrimoine. Si la citadelle Vauban, dont l’avenir est actuellement incertain dans l’attente d’un nouveau repreneur, est fermée au public, c’est dans les murs de l’enceinte urbaine de Palais, que se trame pour cette journée anniversaire un concert promenade, une balade bucolique entre nature verdoyante et vestiges d’une cité militaire.
Des cordes et des vents
Devant le Réduit B, élément architectural rénové pour accueillir du public, un petit groupe de festivaliers est réuni autour de Philip Walsh et de Maryvonne, figure de la ville et mémoire des lieux. Dans quelques instants, les portes de ce bâtiment fondu dans les remparts vont s’ouvrir sur tout une partie du patrimoine de la ville peu connue, ainsi que sur des musiques de films, de séries ou de jeux vidéo revisités pour l’occasion. De la bande originale de Batman signée par Danny Elfman à celle de Star Wars composée par John Williams, en passant par celle du Parrain que l’on doit à Nino Rota ou à d’autres moins connues de long-métrages datant de l’après-guerre, c’est tout un monde cinématographique qui se dessine à l’ombre des pierres et des arbres.
Ne cherchant jamais la facilité, c’est souvent des morceaux moins connus que les huit musiciens s’approprient pour mieux faire voyager nos imaginaires et s’accorder joliment avec les lieux. Loin des métalliques sons de l’espace, c’est dans le cocon jazzy de la Cantina de Mos Esley que nous entraînent les notes égrenées par les instruments à vent. S’amusant avec une belle dextérité à passer d’un style à l’autre d’une époque à l’autre, en s’accordant une insertion ludique pour les plus jeunes des spectateurs chez les Simpsons ou chez Super Mario, la promenade s’achève au-dessus de la porte Vauban, offrant ainsi une vision époustouflante sur la cité fortifiée et sur les murs encore debout de la chapelle Saint-Sébastien, récemment retrouvée lors de la destruction du bâtiment des affaires maritimes.
Mozart, Gluck et les autres
Salle Arletty, c’est une tout autre ambiance qui attend les spectateurs. Ce soir, c’est le gala d’Opéras. Accompagnés au piano par la Sud-coréenne Yedam Kim, les six chanteuses et chanteurs invités de Lyrique-en-mer vont interpréter des extraits des grands airs d’opéra qui ont depuis 25 ans fait le succès du festival et sa renommée à l’international. Refusant les évidences, Philippe Walsh a concocté un programme de toute beauté qui fait autant la part belle aux standards – comme L’amour est un oiseau rebelle de Bizet interprété par la flamboyante est expressive Blythe Gaissert – qu’aux arias moins connus du répertoire classique – tel Nedda ! Sylvio ! A quest’ora, tiré de Paggliacci, premier opéra du Napolitain Ruggero Leoncavallo, chanté par le charismatique duo américain Jazmin Black Grollemund–Michael Kelly.
De Puccini à Haendel, en passant par Mozart, Verdi ou Donizetti, la soirée égrène joliment et joyeusement tous les styles opératiques du XVIIIe au début du XXe siècle. Chantant l’amour, la passion, la jalousie, les six artistes, dont le ténor allemand Stefan Sbonnik, le baryton-basse ukrainien, découvert l’an passé, Ihor Mostovoi et la soprano russe Maria Koroleva, font vibrer les cœurs, les âmes. Des frisons parcourent l’assistance quand s’élève le célèbre quatuor de Rigolletto de Verdi, qui vient conclure cette magnifique soirée des 25 ans d’un festival qui a su au fil du temps s’imposer, grandir – notamment grâce à des initiatives non seulement durant le festival mais aussi à l’année, comme des masters class, des stages de chant pour les enfants ou l’académie des jeunes artistes – et faire connaître Belle-Île à l’internationale.
Bien que très convivial, fait autant pour les amateurs que pour les néophytes, Lyrique-en-mer n’en est pas moins une manifestation de haute volée qui chaque année réunit plus de fidèles. Souhaitons donc à toute l’équipe, aux artistes et surtout à sa présidente Anne Germain et à son directeur artistique Philip Walsh de poursuivre encore longtemps cette aventure, qui au cœur de l’été met de la grâce, des paillettes et de la beauté dans nos existences !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Belle-Île-en-mer
Lyrique-en-mer
Du 28 juillet au 12 août 2023
Belle-Île-en-Mer