De la monnaie de Paris au lycée Jacques-Decour qui sert de QG au festival, Laurence de Marghalles et Stéphane Ricordel proposent des parcours journaliers très éclectiques. Au programme de ces derniers jours, la circassienne Mélissa von Vépy et la chorégraphe norvégienne Elle Sofe Sara. Le jour et la nuit. 

© Andréa Fernandez

Des nuages gris voilent légèrement le ciel de Paris. Dans la cour de l’hôtel de la Monnaie, pigeons et mouettes s’en donnent à cœur joie, volent à tire d’aile, roucoulent et ricanent. Tranquillement, en ce début de soirée de fin juillet, les festivaliers arrivent par grappe, s’installent sur les gradins de bois qui encerclent en partie une étrange structure noire métallique.

Que vogue la musique…

Voile noire tendu, cette petite nef aux solides armatures accueille en son sein un piano. C’est le calme avant la tempête. À pas lents, Stéphan Oliva et Mélissa Von Vépy embarquent, l’un comme capitaine, l’autre comme figure de proue, matelote en quête de sensation. Avec délicatesse, le pianiste accorde son instrument. Puis joue sa partition avec dextérité sur ce navire qui tangue. Cachée en fond de cale de cet étonnant engin qu’elle a conçu avec la complicité de Neil Price, la circassienne attend son heure. Comme habitée par la musique, elle se dresse doucement, traverse les cordes du piano et s’élève dans les airs. Virevoltante, elle se sert du moindre appui, de la moindre barre pour tournoyer autour du musicien et prendre possession de cet esquif fantôme.

Imaginé comme un concert où se conjuguent envolées musicales et haute voltige, Piano Rubato invite à un voyage métaphorique en eaux calmes comme en eaux tumultueuses. Le geste plein de grâce de l’artiste aérienne répond à la virtuosité du compositeur de jazz. La magie opère. La traversée est belle. Tout comme dans un rêve, le temps ralentit puis se suspend. Dans un dernier mouvement de corps, Melissa Von Vépy s’offre aux éléments invisibles et se pose droite sur la terre ferme. La balade est terminée. Le vaisseau bien arrimé au port en attente de nouvelles aventures.

Au cœur de la culture sâme

Après une virée en métro pour rejoindre le lycée Jacques-Decour, il est temps de quitter le sol parisien pour atterrir en Laponie. Dans l’une des cours de l’établissement scolaire, une horde de sept femmes vêtues de noir et munies de hauts-parleurs fend la foule et invite à un étrange rituel. Gestes lents, précis, elles semblent communier avec les éléments qui les entourent, palper l’air qui les enveloppe. Au son des Yoiks, ces chants des montagnes du Nord de la Norvège, elles entrainent le public dans leur sillage, les font monter sur scène avant de les conduire jusqu’aux gradins de la salle à ciel ouvert.

Voix légères, envoûtantes, elles bercent les spectateurs, les emportent dans une sorte de torpeur léthargique. S’inspirant des us et coutumes du peuple Sami dont elle est issue, des rites du quotidien, Elle Sofe Sara déploie une écriture singulière et poétique qui emprunte autant à la danse qu’à des activités sportives, presque guerrières. Tel un voyage intérieur, intime et immobile, Vástádus Eana/The Answer Is Land se vit comme une transe, un état second, une communion des esprits. L’obscurité a recouvert de son noir manteau la ville. Le songe d’une nuit d’été s’achève. Il était étrangement beau. Un moment de partage qui conclut en douceur cette édition de Paris l’été ! 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore 

Festival Paris l’été
Jusqu’au 30 Juillet 2023

Piano Rubato
Conception et interprétation – Mélissa Von Vépy
Composition musicale et piano – Stéphan Oliva
Scénographie de Neil Price, Mélissa Von Vépy
Collaboration artistique – Julia Christ
Mise en son de Jean-Damien Ratel
Lumière Sabine Charreire
Costumes Catherine Sardi
Régie technique Julien Chérault

Vástádus Eana / The Answer Is Land
Directrice artistique, chorégraphe – Elle Sofe Sara
Avec Julie Moviken, Olga-lise Holmen, Sara Marielle Gaup Beaska, Nora Svenning, Grete Daling, Emma Elliane Oskal Valkeapää, Trine-Lise Moe
Compositeur-  Frode Fjellheim
Co-chorégraphe – Alexandra Wingate
Dramaturge – Thomas Schaupp
Costumes – Elle Sofe Sara, Line Maher
Scénographie – Elin Melberg
Création lumière – Øystein Heitmann
Régisseur lumière – Anniell Olsen
Techniciens du son – Eivind Steinholm