Joël Maillard © David Gagnebin-de Bons
© David Gagnebin-de Bons

Joël Maillard, autofictionnel et autodérisoire

Au Théâtre du Train bleu, Joël Maillard présente "Résilience mon cul", un seul-en-scène au titre trivial, mais diablement malin.

Joël Maillard © David Gagnebin-de Bons

Au Théâtre du Train bleu, il présente Résilience mon cul, un seul-en-scène au titre trivial, mais diablement malin. L’occasion de découvrir un artiste pince-sans-rire, généreux et hors-cadre.

© David Gagnebin-de Bons

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ? 
Très jeune enfant, j’assiste à une représentation scolaire d’Ali Baba et les quarante voleurs. Ali Baba convoie ses gros diamants sur un chariot. Proche du bord de scène, l’acteur effectue un virage un peu trop serré, un diamant tombe alors du chariot et, transperçant minablement le quatrième mur, choit de la scène avec un bruit de plastique. Le charme oriental est rompu, mais cette rupture a quelque chose de mystérieux et magique : un morceau de plastique préalablement transformé en diamant peut redevenir un morceau de plastique. Rien n’est permanent, sur la scène comme dans la vie, tout peut s’effondrer à tout moment. Je comprends confusément à ce moment là que, sur scène, fiction et réel cohabitent et s’interpénètrent. Durant toute la suite de la représentation, je suis en empathie avec cet homme maladroit qui fait semblant d’être Ali Baba.

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Ce qui m’a donné envie de tenter d’entrer dans une école de théâtre, à vingt-deux ans, c’est d’abord que j’étais malheureux dans le parcours professionnel où je m’étais lancé, et je voulais m’en échapper. Dans ces cas-là, beaucoup de gens songent à faire de leur passion leur métier… c’est une démarche assez banale, et ça ne marche pas toujours. J’ai eu de la chance. Je crois que mon désir de liberté était à ce moment-là encore plus fort que mon désir d’être artiste.

Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien et metteur en scène ?
Je viens du théâtre amateur. Je le pratiquais dans une région rurale, en Suisse. Jusqu’à l’âge de dix-huit ans, je n’avais pas véritablement conscience qu’il existait un autre théâtre que le théâtre amateur, ce qui me navre a posteriori. Bien que très mauvais, j’aimais jouer, tout simplement. J’aimais ce mélange de préparation et d’imprévisible, l’instabilité de chaque moment exacerbée par la maîtrise très relative de ce que je pensais dégager sur scène. Toute cette tension entre le contrôle et l’incontrôlable. J’avais l’impression, sur scène, de vivre au carré. Je l’ai toujours. C’est paradoxal, car la vie, contrairement aux spectacles, n’est pas écrite.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ? 
C’était un minuscule rôle dans Le Médecin malgré lui, vers quinze ans, avec la troupe d’amateurs du village. J’en retiens peu de souvenirs, si ce n’est qu’il y avait un morceau d’emmental. Sganarelle disait « fromage » parce que c’était écrit ainsi, et le metteur en scène me demandait de dire « fromèèège » parce c’était un rôle de paysan.

Votre plus grand coup de cœur scénique ? 
La première fois que j’ai vu un spectacle de Rodrigo Garcia, en 2002. J’ai acheté une pelle chez Ikea pour creuser ma tombe. C’était déflagratoire, parce que je n’avais rien vu, ni entendu, ni ressenti de tel sur un siège de théâtre. Une transformation, d’une toute autre nature, s’est opérée dans ma relation à la scène la première fois que j’ai vu une pièce de Grand Magasin. Et puis j’ai été bouleversé par toutes les pièces de Maud Blandel auxquelles j’ai assistées. Et dernièrement Le rêve et la plainte, de Nicole Genovese, m’a ravi au plus au point.

Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Toutes les rencontres avec les artistes que je convie à fabriquer des spectacles avec moi.

En quoi votre métier est-il essentiel à votre équilibre ? 
Il faudrait que j’essaie d’arrêter pour le comprendre…

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
La littérature. La liberté presque infinie que semble permettre l’écriture d’un roman, au sens large.

De quel ordre est votre rapport à la scène ? 
Depuis plusieurs années, il est autofictionnel et autodérisoire.

A quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ? 
Peut-être au niveau de la discipline que j’impose à mon corps lorsque je travaille.

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ? 
Cela me ferait un peu bizarre de nommer des gens ici. Je préfère m’adresser à eux directement.

A quel projet fou aimeriez-vous participer ? 
J’aimerais bien participer à un spectacle de danse en tant que non danseur qui danse. Ou, si j’atteins la vieillesse, participer à un grand chœur de vieillards.

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
La Trilogie de la Mort d’Eliane Radigue.

Propos recueillis par Samuel Gleyze-Esteban

Résilience mon cul de Joël Maillard
Festival Off Avignon – Théâtre du Train Bleu
40 rue Paul SaÏn 84000 Avignon
Du 7 au 26 juillet 2023 à 15h50, relâche les 13 et 20 juillet
Durée 1h15

Tournée
Le 3 octobre 2023 à MA scène nationale, Montbéliard, FR
Du 17 au 19 janvier 2024 au Théâtre Nouvelle Génération, Lyon, FR

Écriture, mise en scène et interprétation : Joël Maillard
Dramaturgie, maïeutique et motivation : Lou Ciszewski, Marie Ripoll
Arrangemens et son : Charlie Bernath, Louis Jucker
Lumière : Nidea Henriques
Costume : Coralie Chauvin
Production, administration, diffusion : Tutu Production pour la compagnie SNAUT

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