Au 11·Avignon, dans le Off, le jeune artiste s’empare de Celle qui regarde le monde d’Alexandra Badea et se glisse dans la peau d’un mineur isolé. Solaire, fiévreux, Alexis Tieno illumine l’espace de son sourire communicatif, de sa belle présence.
© Assane Tieno
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
C’est un poème que j’ai dit devant ma classe en Primaire. Demain, dès l’aube… de Victor Hugo.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Au lycée, je me suis demandé ce que j’aimais profondément dans la vie. Je me suis souvenu qu’en primaire, jusqu’au collège, je faisais du théâtre — j’avais arrêté entre-temps. J’ai vu un de mes camarades de classe interpréter Platonov de Tchekhov au théâtre municipal et ça a réveillé l’envie en moi. J’ai eu une envie irrépressible d’être à sa place. J’ai assumé qu’en fait, ce n’était pas un passe-temps, et j’ai repris le théâtre avec la certitude que je voulais faire ça de ma vie.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ?
J’adore observer les gens dans la vie. Les regarder sourire, penser, jouer, rire, douter… Mais essayez de regarder quelqu’un dans les yeux dans la vie de tous les jours, pas facile… sur scène, on voit les gens, on s’écoute. On prend et on donne. Je pense que j’avais envie de partager des choses fortes avec des personnes ; ceux qui font avec moi et ceux qui regardent. Sur scène, j’ai l’impression d’être écouté pour ce que je n’ose pas dire de moi dans la vie quotidienne. C’est cette envie de vie qui fait que je suis sur scène. Et le théâtre est le meilleur prétexte à vivre que j’ai trouvé. Et aussi, évidemment, l’envie me réconcilier avec l’enfant en moi. Parce que jouer, c’est la vie !
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Mon premier spectacle est une pièce de mon tout premier prof de théâtre, quand j’étais au collège. Je ne me rappelle plus du titre. C’était doux et très vertigineux à la fois. Juste avant de rejoindre la scène, je voulais partir en courant, et au moment des saluts, je ne voulais plus la quitter. Comme aujourd’hui, en fait.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
J’en ai beaucoup. Mais là, instinctivement, je dirais la mise en scène de Dans la solitude des champs de coton de Koltès mis en scène par Charles Berling au théâtre des Quartiers d’Ivry, avec Mata Gabin et Berling.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
J’en ai beaucoup aussi dans ma très jeune carrière. Il y a sans doute celles que je n’ai pas encore faites. Ma rencontre avec Anne Alvaro m’a marqué, profondément.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Drôle de question. Mon métier est, je pense, devenu ma philosophie de vie. C’est difficile pour l’instant pour moi de différencier les deux. Il est nécessaire pour que je me sente bien dans ma tête dans mon corps et dans mon cœur. Il me permet (autant que faire se peut) d’être ouvert avec les autres dans la vie.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Les enfants qui tombent dans la rue et qui se relèvent aussitôt. Quand je les vois, je me dis qu’il faut que j’arrête de me plaindre, et que j’avance.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Viscéral.
À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Beaucoup dans mes pieds. Quand j’ai envie de jouer, il m’est difficile de tenir en place.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
J’aime me confronter à des gens qui font des choses différentes voire éloignées de moi, qui potentiellement auraient envie de m’emmener ailleurs… J’adore travailler avec les personnes vaillantes et ambitieuses. Ceux et celles qui n’ont pas peur de se tromper et qui essaient encore et toujours. En somme, ceux et celles qui, à mon sens, ont conservé leur enfant intérieur.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Soyons fous. Dans une pièce de Tiago Rodriguez, un spectacle d’Akram Khan, ou un film de Jacques Audiard.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Certainement Le Voyageur au-dessus de la mer de nuage de Caspar David Friedrich.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Celle qui regarde le monde d’Alexandra Badea
Festival OFF d’Avignon
11 Avignon
11 boulevard Raspail
84000 Avignon
du 7 au 26 juillet 2023 à 11h25 – Relâches : 13, 20 juillet 2023
Durée : 1h