Dans le cadre du Off d’Avignon, le théâtre Louis Aragon de Tremblay-en-France se délocalise à la Parenthèse et propose de découvrir des extraits de pièces chorégraphiques en devenir. Pour ce deuxième programme très éclectique, l’accent est mis sur des talents confirmés qui nous amènent de l’Ukraine au lac de Dirty Dancing.

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Dans la petite rue des études, devant la Parenthèse, festivaliers et professionnels échangent leurs coups de cœur, partagent leur ressenti sur cette édition 2023 du Festival d’Avignon. La plupart se connaissent, tous étant des habitués de Belle Scène Saint-Denis. Il est dix heures, chacun rejoint sa place, le show peut commencer. 

L’Ukraine à corps

Accompagnée de l’accordéoniste, Éric Allard-Jacquin, Olga Dukhovnaya foule le plateau. Face public, elle se tient droite. Cheveux attachés en queue de cheval, regard clair tourné vers des ailleurs lointains, elle frappe le sol du pied à plusieurs reprises, impose une cadence au musicien. D’origine ukrainienne mais vivant en France depuis plusieurs années, elle présente une étape de travail de sa prochaine création, Hopak, qui devrait voir le jour en 2024. Découverte en septembre dernier à La Bâtie avec Swan Lake solo, une revisite du célèbre ballet de Tchaïkovski, l’artiste poursuit son œuvre éminemment politique. Après avoir dénoncé la propagande russe, elle évoque dans cette nouvelle pièce la guerre en Ukraine, l’importance de garder en mémoire culture et traditions de son pays natal tout en les confrontant à une pratique chorégraphique contemporaine. 

Tendue, l’écriture d’Olga Dukhovnaya se nourrit de sa fureur, de sa fièvre. Véritable cri de révolte autant qu’affirmation de son identité, cet Impromptu dit ce que ses mots ne peuvent exprimer. Énergique, sa danse agit comme une déferlante qui nous emporte aux frontières de l’Europe, qui nous invite à ouvrir les yeux, à ne pas oublier que non loin de nous, un conflit fait rage. En cette matinée déjà chaude, la proposition n’est au stade des prémices, mais augure d’une suite à ne pas manquer ! 

Corps à corps 

Le changement est brutal. La danse, toujours guerrière, mais les lignes sont plus abruptes. Connu pour son hip hop engagé, Paulo Emilio Azevedo présente ici un extrait de VerTigem, un duo d’artistes brésiliens. Partant à la rencontre de ces deux danseurs — Lucas “Zina” Nunes et Pedro Henrique Brum —, le chorégraphe à la tête de la compagnie Gente porte au plateau leur histoire, donne à voir leur quotidien. Entre fureur de vivre et violence, leurs belles âmes se révèlent dans les interstices d’un pas de deux survolté et percussif. 

Le geste est fort, mais clairement à l’étroit dans l’espace scénique qu’offre la Parenthèse. Les corps butent, les courses sont avortées. Ne reste que la puissance des deux interprètes, la rage qui habite leur mouvement, la douceur, presque la tendresse qui les unit tant l’un et l’autre sont connectés par une belle complicité. 

À mourir de rire 

La conclusion de ce programme haut en couleurs revient au chorégraphe sabinois Sylvain Riéjou. Et disons-le tout de suite, c’est du pur bonheur. Avec intelligence et humour ravageur, il évoque son adolescence, sa quête d’identité sexuelle à travers une revisite drolatique du film culte d’Emile Ardolino, Dirty Dancing. Le pas alerte, cadencé, il entre sur scène. Micro à la main, il raconte son histoire. Avec mordant, il remonte ses souvenirs, se souvient du choc visuel, de l’émoi ressenti en voyant à l’écran Patrick Swayze en bad boy et son envie de faire comme lui, de la danse, ou plutôt d’être à la place de Bebe. 

Invitant tour à tour à le rejoindre deux danseuses — Clémence Galliard et Émilie Cornillot — et un danseur — Julien Gallée-Ferré —, dont il s’amuse à retracer le parcours, se moquant au passage avec un bel esprit de quelques chorégraphes et de quelques formations de danse. Chaque mot, chaque geste font mouche. Les rires fussent en cascade. Revisitant le duo amoureux avec une belle lucidité, Sylvain Riéjou et ses interprètes signent une esquisse très alléchante de sa prochaine pièce, Je badine avec l’amour (parce que tous les hommes sont si imparfaits et si affreux). La salle applaudit à tout rompre avec le secret désir de voir la suite au plus vite. Cet extrait correspondant à la première partie du spectacle en devenir est une gourmandise à déguster sans modération !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon 

Programme Danse #2
La Belle Scène Saint-Denis
Festival OFF d’Avignon
La Parenthèse
Rue des études
84000 Avignon
du 16 au 20 juillet 2023 à 10h
Durée 1h30 

Impromptu d’Olga Dukhovnaya
Proposition issue de Hopak, création en mai 2024
Avec Olga Dukhovnaya et Éric Allard-Jacquin

VerTigem de Paulo Emilio Azevedo
Création et direction Paulo Emilio Azevedo
Assistante Paula Lopes
Interprètes Lucas “Zina” Nunes et Pedro Henrique Brum
Musique Filipe Itagiba

Je badine avec l’amour (parce que tous les hommes sont si imparfaits et si affreux)(travail en cours) de Sylvain Riéjou
Conception et interprétation Sylvain Riéjou
avec Sylvain Riéjou, Julien Gallée-Ferré, Clémence Galliard et Émilie Cornillot
Contribution chorégraphique – Yoann Hourcade
Regards extérieurs – Tatiana Julien et Joachim Maudet
Créateur sonore Émile Denize
Lumières et régie générale Sébastien Marc