Masseur et danseur, Massimo Fusco propose à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, dans le cadre de la programmation estivale des Hivernales, une expérience entre art et détente. Avec Corps sonores, il invite les spectateurs à se laisser porter dans un espace où le quotidien affleure dans une sorte de cocon ouaté. Entre deux performances, il nous ouvre son jardin créatif.
© Simon La Salle – Sasha Marro
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Mon premier souvenir est un spectacle de danse de salon. Mes parents, Rosa et Dany Fusco, sont tous deux professeurs de danse, depuis 30 ans, bénévoles au sein de l’association DAN – Découverte Art et Nature. J’ai toujours baigné dans l’univers des après-midi dansants et des soirées dansantes. Dès l’âge de 8 ans, j’ai pris part à un spectacle de fin d’année pour danser, tour à tour, la valse, le cha cha cha et le rock’n roll avec ma mère !
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Adolescent, j’ai découvert une comédie musicale chorégraphiée par Redha. L’énergie de la danse m’a galvanisé. À la fin du spectacle, j’ai rencontré une des danseuses, Sabrina Secchi, qui m’a proposé de suivre un stage de danse avec son mari : Daniel Tinazzi. Avec eux, j’ai découvert le plaisir du mouvement et cela m’a ouvert de nouveaux horizons. J’ai alors exploré différents styles de danse avant de me spécialiser en danse contemporaine.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être danseur et chorégraphe ?
Le plaisir du mouvement m’a poussé à explorer mes capacités corporelles. C’est ce qui me motive à danser et à créer des projets au sein de la compagnie Corps Magnétiques à travers laquelle, depuis 2020, je travaille à rendre perméable la danse, au sens large, aux autres disciplines artistiques et somatiques pour explorer les frontières du mouvement.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Après ma formation au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, j’ai eu la chance d’approcher l’univers de Jean-Claude Gallotta avec My Rock au centre chorégraphique national de Grenoble en 2007 et d’intégrer la compagnie, l’année suivante, avec la reprise de Sunset Fratell. Son langage, sa gestuelle si singulière et l’équipe qui l’entourait, m’ont profondément marqué.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
J’ai eu la chance de vivre de très belles histoires sur scène… Crowd de Gisèle Vienne et D’après une histoire vraie de Christian Rizzo sont de vrais coups de cœur scéniques. Ce dernier, créé en 2013 au Festival d’Avignon, a connu une tournée spectaculaire avec près de 200 représentations en France et à l’international. C’est d’ailleurs, grâce à ce projet, que j’ai rencontré des artistes exceptionnels comme Vanessa Court, King Q4 et Fabien Almakiewicz qui, 10 ans plus tard, m’accompagnent sur Corps Sonores et Corps Sonores Juniors. Les premières de cette prochaine création jeune public auront lieues les 16 et 17 septembre 2023 au festival Jacques a Dit à Carros avant une jolie tournée en France.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Mes plus belles rencontres sont les personnes qui m’ont amené vers une démarche de plus en plus créative et les personnes qui m’entourent aujourd’hui. J’ai la chance de pouvoir choisir avec qui je collabore : Stéphanie Marin par exemple, la fondatrice du studio de design smarin et la scénographe de Corps Sonores, avec qui je me sens particulièrement connecté d’un point de vue artistique et éthique. Mais aussi les professionnel.le.s engagé.e.s qui me soutiennent et me font prendre confiance comme Isabelle Martin-Bridot, la directrice des Hivernales, le Centre de Développement Chorégraphique National d’Avignon, qui m’a proposé d’être artiste associé. Cette association ouvre de nouvelles perspectives.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
En tant que masseur, danseur et chorégraphe, le corps occupe une place centrale dans mon parcours. La connaissance précise des corps, la sensibilité au toucher que l’on développe en tant que masseur, les capacités corporelles en tant que danseur, la créativité en tant que chorégraphe, sont très complémentaires. Aujourd’hui, je ressens le besoin de valoriser mes expériences corporelles et de les transmettre aux autres. Au sein de la compagnie Corps Magnétiques, je souhaite créer des spectacles, des installations, des performances autour d’un axe art/soin/société avec la volonté de croisement des disciplines : les arts de la scène d’une part, et les arts visuels et sonores d’autre part. Mener des projets chorégraphiques dans les établissements médico-sociaux, c’est une façon de valoriser notre rapport au corps et de changer notre regard sur le handicap, la maladie ou la vieillesse. Je suis convaincu que l’accès à l’art permet à chacun.e de développer sa propre richesse et de découvrir celle de l’autre dans la rencontre des différences.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
L’observation des corps et de la nature est une source d’inspiration inépuisable. Ce n’est pas un hasard si la compagnie a pris le nom de Corps Magnétiques. Cela désigne, dans le domaine des sciences et de la physique, des corps polarisés en interaction avec ceux qui les entourent. J’aime créer des liens, connecter le public, pour penser différemment la relation à l’autre et notre rapport au monde, pour ouvrir des portes vers des univers imaginaires et sensibles.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Ludique et émancipateur. La scène, comme tous les autres lieux non dédiés, est un espace de jeu et de liberté. Les œuvres les plus libres sont, sans doute, les plus percutantes. La scène est donc aussi un endroit politique, même s’il est nécessaire de rappeler que « l’art n’appartient à aucun parti » pour reprendre la tribune de Télérama !
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Mes reins ! Ma formation au Tui Na a déplacé certains points de vue. Les reins sont considérés comme la source de l’énergie vitale en Médecine Traditionnelle Chinoise. J’aime beaucoup cette image, car cet organe n’a pas la même noblesse, ici, en France.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
J’aimerais collaborer avec une chanteuse sur un prochain projet. Je suis fasciné par la vibration physique du son, et la voix a cette particularité de donner un supplément d’âme à la puissance vibratoire. À suivre…
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
À l’origine, Corps Sonores était déjà un projet un peu fou : une installation sonore et visuelle qui allie danse et massage pour une dizaine de personnes seulement… C’était un pari ambitieux ! Après une tournée en France et nos premières dates à l’international au festival Carthage Dance, nous fêterons la 70e représentation de Corps Sonores à la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon cet été. Un autre projet fou serait de concevoir un projet multi-sites, c’est-à-dire un projet chorégraphique qui s’inscrirait dans plusieurs lieux simultanément, pour continuer de relier les gens et de faire un pas de plus vers l’ « être ensemble », mais cette fois, à grande échelle !
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Une danse de Joséphine Baker.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Corps sonores de Massimo Fusco
Festival OFF d’Avignon
Les Hivernales – CNDC
18, rue Guillaume Puy
84000 – Avignon
la performance se joue à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon
du 10 au 20 juillet – jours pairs à 11h, 16h et 18h