Sourire énigmatique, regard bleu pâle, la comédienne et autrice habite la scène d’une lumière diffuse, diaphane qui touche directement au coeur. Après avoir évoqué la mort dans Joie, elle s’attaque, cette fois avec son compagnon de plateau, Jean-Baptiste Tur, au couple et à son usure dans Le Boxeur invisible. Écriture vive, jeu intense, Anna Bouguereau a tout d’une grande.
© Manon Jalibert
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
L’épaule de Milady dans Les Trois Mousquetaires de Marcel Maréchal et Marina Hands dans Le Partage de Midi d’Yves Beaunesne.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
J’avais vingt ans et je voulais être psy, mais j’étais assez perdue dans ma vie et je m’ennuyais beaucoup à la fac… J’ai commencé les cours de théâtre avec au cœur quelque chose que je ne me formulais pas encore bien et qui semblait me dire : explore ton âme à toi avant de vouloir sauver celle des autres. Et puis Bruno Wacrenier, mon professeur au conservatoire du Ve, a confirmé mon désir de faire partie de ce monde du théâtre, et m’a clairement transmis la foi.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne ?
C’était à la fin de ma première année de cours de théâtre amateur, et c’était la première fois que je présentais un « vrai » spectacle devant un public. Mon façon de jouer n’était vraiment pas terrible, mais étrangement, je me suis sentie tout à fait à ma place. Un genre d’alignement des planètes. Et je me suis dit, « ce qui est en train de se passer là, je voudrais bien le faire longtemps ».
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
C’était ce fameux spectacle de fin d’année. On présentait Le Misanthrope, je jouais Eliante. J’étais fébrile, je parlais trop vite, mon costume sentait la poussière, mais il y avait du monde dans cette grande salle, et des papillons dans mon ventre. Quelque part, sans pouvoir trop dire pourquoi, j’étais heureuse.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Il y en a plein, Woyceck de Gwenaël Morin, L’Idiot de Vincent Macaigne, Doreen de David Geselson, Didon et Énee de Samuel Achache et Jeanne Candel, Rendez vous gare de L’Est de Guillaume Vincent…
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Mes camarades et professeurs du conservatoire du Ve. Et plus récemment François Cervantès.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
C’est l’endroit où j’ai l’impression de faire quelque chose d’un peu plus grand que moi, les nouveaux projets m’exaltent toujours, le travail en groupe m’apprend constamment, j’adore le côté « colo ». J’ai l’impression d’exister plus fort quand je fais du théâtre.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
La beauté des mots, l’intensité des sentiments, tout ce qu’on ne peut pas se dire dans la vraie vie, la fragilité, l’enfance, les souvenirs.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Je peux y être très à l’aise ou très timide, ce n’est pas toujours l’endroit où je me lâche complètement, mais c’est presque toujours une joie, un rendez-vous magique avec le public, quelque chose de sacré, une vibration qui rend complet.
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Le cœur, sans hésiter.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Catherine Germain.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Une tragédie de Racine dans les Arènes de Nîmes.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
C’est une question très difficile… Dans mes rêves, ce serait Baisers Volés de Truffaut. Je ne sais pas… Je suis en train de lire Les Années d’Annie Ernaux, ça me parle beaucoup.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon
Le Boxeur invisible d’Anna Bouguereau
création en avril au Monfort Théâtre
Festival Off Avignon – Théâtre du Train Bleu
40 rue Paul Saïn 84000 Avignon.
Du 7 au 26 juillet 2023, les jours impairs à 15h05.
Durée 1h05.
mise en scène de Jean-Baptiste Tur
avec Anna Bouguereau et Jean-Baptiste Tur
scénographie de Lucie Gautrain
lumière de Carine Gérard & Valentin Paul