A Noiva e o Boa Noite Cinderela - Capítulo 1 da Trilogia Cadela Força de Carolina Bianchi © Christophe Raynaud de Lage
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Les cauchemars sous GHB de Carolina Bianchi

Au Festival d’Avignon, Carolina crée l’événement en emportant le public au plus de près de l’expérience du viol et des féminicides.

A Noiva e o Boa Noite Cinderela - Capítulo 1 da Trilogia Cadela Força de Carolina Bianchi © Christophe Raynaud de Lage

Au Festival d’Avignon, l’artiste performeuse brésilienne crée l’événement. En emportant le public au plus de près de l’expérience du viol et des féminicides, elle tétanise et sidère une salle sous le choc.

© Christophe Raynaud de Lage

La chaleur est écrasante, mais ce n’est rien à côté de ce qui attend les festivaliers qui pénètrent dans l’antre climatisée du Gymnase Aubanel. Face au public, assise devant une table sur laquelle sont posés un verre, des boissons alcoolisées et un micro, une femme vêtue de blanc évoque dans une conférence l’Enfer de Dante, 2666 de Roberto Bolaño ainsi qu’un épisode du Décaméron de Boccace peint par Botticelli, où une jeune femme se voit forcée de se marier avec un homme qu’elle n’aime pas dans le seul but d’éviter le châtiment cruel de la chasse — tous les jours voir son cœur dévoré par les chiens et renaître —, réservé à celle qui refuse leur cœur à leur prétendant. La fresque nous est familière. Elle était déjà présente dans l’installation de théâtre Macho Man d’Àlex Rigola, présenté l’an passé à Lille dans le cadre du Festival Latitudes contemporaines.

L’enfer d’être femme
A Noiva e o Boa Noite Cinderela - Capítulo 1 da Trilogia Cadela Força de Carolina Bianchi © Christophe Raynaud de Lage
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Brune, charismatique, Carolina Bianchi saisit l’attention des spectateurs, les captive de sa voix chantante, de son accent brésilien si caliente. Il faut toujours se méfier des apparences. Après cette évocation d’une série de tableau du quattrocento, la performeuse nous ramène à la réalité. Cette tragédie picturale résonne avec un drame d’aujourd’hui. En 2010, un célèbre footballeur brésilien fait tuer par des amis à lui sa maîtresse qui a refusé d’avorter, la fait démembrer puis manger par ses dobermans avant de couler ses restes dans un mur de béton. Un silence de plomb tombe sur la salle. Ce n’est que le début d’une longue descente aux enfers dans les violences faites aux femmes.

C’est un autre récit auquel va s’attacher Carolina Bianchi, celui d’une artiste italienne, performeuse comme elle. En 2008, Pippa Bacca a un rêve fou : promouvoir à travers son art la paix dans le monde, unifier par un mariage symbolique les civilisations, les religions. Avec une de ses collèges, qui abandonnera le projet en raison de divergence, elle décide de partir de Milan pour rejoindre Jérusalem en auto-stop. Ainsi, Portant une robe de mariée symbolique, elle s’engage sur les routes, le sourire aux lèvres, la joie au cœur. C’est non loin d’Istanbul, à Gebze que s’achève funestement son voyage. Violée et tuée, son corps est retrouvé nu dans un fossé.

Viol sur scène
A Noiva e o Boa Noite Cinderela - Capítulo 1 da Trilogia Cadela Força de Carolina Bianchi © Christophe Raynaud de Lage
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Toujours aller plus loin, ne jamais renoncer à marquer les esprits, à faire comprendre les violences que les femmes subissent depuis la nuit des temps. Carolina Bianchi l’a bien compris, les mots ne sont pas suffisants, seuls les actes, l’expérience compte. Elle va donc sur scène faire la démonstration d’un viol. Pour étayer son propos, elle ingurgite sur scène une dose de Boa Noite Cinderela (« Bonne nuit Cendrillon »), la drogue des violeurs au Brésil, sombre lentement dans un état de semi-conscience et laisse son corps à la disposition de ses collaborateurs, d’autres performeurs. Ce qui se passe au plateau deux heures trente durant est du jamais vu. La manière dont l’intégrité des femmes de leur corps est maltraitée, malmenée, abîmée jusqu’à l’irréparable se joue là devant les spectateurs sans que, sonnés, ils ne puissent rien faire. C’est fort, puissant, déroutant, intolérable. Bien sûr, on pense à Angelica Liddell, à Milo Rau et sa Reprise – Histoire(s) du théâtre (I), créée à Avignon en 2018, à (LA) HORDE aussi. Mais c’est bien au-delà.

Aucun mot ne peut décrire ce qui se passe au plateau, ce que ça réveille en chacun de nous. Il faut le vivre dans sa chair pour tenter de comprendre, d’appréhender là où vous nous emmener Carolina Bianchi. La performeuse ne cherche pas la linéarité, le droit au but. Elle prend des chemins de traverse, tout comme ceux qui mènent à la résilience, à la guérison. Mais celle-ci est-elle possible ? toute la question est là. La démonstration de l’artiste est impeccable, sans concession. Poussant le public dans ses retranchements jusqu’à l’agacement, jusqu’à l’insoutenable. C’est tout simplement sidérant !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon

A Noiva e o Boa Noite Cinderela – Capítulo 1 da Trilogia Cadela Força de Carolina Bianchi
Festival d’Avignon
Gymnase Aubanel
14 rue de la Palapharnerie
84000 Avignon
Jusqu’au 10 juillet 2023
Durée 2h30

Tournée
les 15 et 16 juillet 2023 au Theater der Welt Festival (Allemagne) 
Les 20 et 21 juillet 2023 au Festival GREC (Espagne) 
Les 18, 19 et 20 août 2023  au Kampnagel Internationales Sommerfestival (Allemagne) 
Les 2 et 3 septembre 2023 à La Bâtie Festival de Genève (Suisse) 
les 21 et 22 septembre 2023 au KVS (Belgique) 
les 28, 29 et 30 septembre 2023 au Frascati Theater (Pays-Bas) 
les 4 et 5 octobre 2023 au HAU1 (Allemagne) 
le 15 octobre 2023 au Take me Somewhere Festival (Royaume-Uni) 
les 31 janvier, 1er et 2 février 2024 au Maillon Théâtre de Strasbourg Scène européenne 

Texte, conception, mise en scène et dramaturgie de Carolina Bianchi
Traduction pour le surtitrage de Larissa Ballarotti, Luisa Dalgalarrondo, Joana Ferraz,Marina Matheus (anglais), Thomas Resendes (français)
Avec Larissa Ballarotti, Carolina Bianchi, Blackyva, José Artur Campos, Joana Ferraz, Fernanda Libman, Chico Lima, Rafael Limongelli, Marina Matheus 
Dramaturgie et recherche de Carolina Mendonça
Direction technique, musique originale et son de Miguel Caldas
Lumière de Jo Rios
Scénographie de Luisa Callegari
Vidéo de Montserrat Fonseca Llach
Costumes de Carolina Bianchi, Luisa Callegari, Tomás Decina
Collaboration artistique – Tomás Decina
Entraînement du corps et de la voix – Pat Fudyda, Yantó
Construction voiture Mathieu Audejean, Philippe Bercot, Miguel Caldas, Luisa Callegari, Pierre Dumas, Lionel Petit, Xavier Rhame, Jo Rios – Atelier de construction du Festival d’Avignon
Dialogue sur la théorie et la dramaturgie avec Silvia Bottiroli
Collaboration artistique – Edit Kaldor (DAS Theatre)
Vidéo du karaoké – Thany Sanches 

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