Tchavdar Pentchev © DR

Tchavdar Pentchev, un beau parcours de la Bulgarie au théâtre français

Tchavdar Pentchev, comédien d'origine bulgare passionné de théâtre, est à l'affiche de "Britannicus Tragic Circus" au Théâtre du Balcon.

Tchavdar Pentchev © DR

Arrivé à Paris à dix-huit ans pour assouvir son amour du théâtre, passé par la Sorbonne nouvelle et le Cours Simon, le comédien d’origine bulgare nous surprend à chacune de ces interprétations. Celui qui incarne Néron et le fils du patron, dans l’excellent Britannicus – Tragic Circus de Pierre Léricq a répondu à nos questions avec toute la passion qui le nourrit.

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Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?

J’avais quatre ans. Mon père avait trouvé un travail bien payé en Russie, recouvrir les toits des immeubles avec de l’asphalte pour mieux les isoler. Beaucoup de bulgares ont été engagés dans la région. Comme ils étaient venus avec leurs femmes et enfants, le ministère de l’éducation bulgare a dû envoyer des professeurs de langue, littérature, histoire et géographie bulgare, dont ma mère. Nous y avons vécu deux ans, deux ans savoureux ! On m’a inscrit à la maternelle pas loin de notre immeuble. J’en ai, des souvenirs, comme de délicieux bonbons : mes premières notes de piano, premiers amis, la neige qui brille sous les lampadaires le soir en rentrant… Puis arrive le jour du premier spectacle. C’était comme une succession de tableaux : du clown, de la chanson, du jonglage, du mime, l’araignée et le papillon (un numéro de danse, d’acrobatie et de théâtre, ndlr.) Cette fatalité des lois de la nature mélangée avec de la poésie corporelle rendait ce moment captivant. J’ai encore les images en tête.

Souvenir de Russie de Pentchev © Collection privé
Souvenir de Russie © Collection privé

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?

Depuis tout petit, mes parents m’amenaient voir des pièces de théâtre. La graine avait été plantée. A la maison, on avait des cassettes VHS avec des pièces de théâtre bulgares. A force de les regarder, j’ai appris par cœur les répliques de tous les personnages ! Alors, quand le régime d’électricité à été imposé dans les années 1990 (de 20h à 22h tous les soirs), mes grands-parents allumaient des bougies dans le salon et je jouais la pièce du début à la fin. Pour moi, cela n’était que du jeu. Des années plus tard, en classe de littérature au lycée, avec une amie, on a présenté Jubilé d’Anton Tchékhov, inspiré d’un des plus grands comédiens contemporains, Marius Kourkinski. La prof nous a inscrit à mon insu au Jour du talent, le grand spectacle de fin d’année de l’école. C’est la première fois où je suis monté sur scène. Le déclencheur a opéré dès ce jour-là.

Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ?

Ma première passion était le dessin. J’apprenais les pièces en VHS en dessinant pendant des heures. Ensuite, la musique (j’ai fait du piano en rentrant de Russie), la danse (mais ça, c’était pour les filles), le chant (tous les jours, à toutes les occasions), la photo (mon père m’a offert son argentique et sa passion avec). Je cherchais le moyen de les réunir. J’ai trouvé que le théâtre rassemblait tous les arts dans un même lieu, alors j’ai choisi d’être comédien.

Britannicus © Olivier Brajon
Britannicus Tragic Circus © Olivier Brajon

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?

Jubilé d’Anton Tchékhov. Le temps s’est arrêté, l’échange s’est produit, ma vie allait changer. Quelques jours après, je me suis inscrit au cours de théâtre de Penyo Kaltchev, un homme spirituel et vibrant, un professeur de vie avant tout.

Votre plus grand coup de cœur scénique ?

Au commencement Slavianka Miloucheva, grande comédienne bulgare qui embarquait tout le monde dans la salle par sa présence, sa précision, son charisme. Elle a joué un seul en scène bouleversant sur la vie d’Edith Piaf, parsemé de textes de Prévert. Des frissons ! Marius Kurkinski est l’une de mes grandes inspirations. Platonov, mise en scène d’Éric Lacascade, a été premier coup de cœur en France.

Quelles sont vos plus belles rencontres ?

Jusqu’à présent, j’ai eu beaucoup de chance avec les rencontres artistiques. S’il faut citer quelques noms dans l’ordre chronologique je commencerai par Elise Merrien, sur les bancs de Cours Simon. Elle est mon pilier humain et artistique depuis mon arrivée en France jusqu’aujourd’hui. Ivana Dimitrova, une rencontre passionnante, un échange évident entre la danse et le théâtre. Mes premiers pas sur scène avec la Cie dramatique L’Équipe, un bouquet de belles rencontres. Mes premiers festivals d’Avignon avec Sophie Accard, Anaïs Merienne et Léonard Prain de la Cie C’est pas du jeu, on a si bien vibré ! Sophie Forte m’a proposé de jouer son chagrin dans les loges du théâtre Buffon et ça été le coup de foudre. Virginie Lemoine, William Mesguich, Pierre Lericq, Manon Andersen, Marie Réache… et tant d’autres. Je suis très reconnaissant de les avoir croisés sur ma route.

La vie bien tranquille © DR

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?

Je lui donne de l’amour et je reçois de l’amour en retour. C’est comme une relation intime.

Qu’est-ce qui vous inspire ?

La poésie, la photo, la peinture, la musique, la danse, la satire, l’esthétisme, les contradictions, le recommencement…

De quel ordre est votre rapport à la scène ?

Une relation amoureuse.

A quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?

Une circulation quelque part entre le ventre et le front.

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?

Jusqu’à présent, la vie m’a réservé beaucoup de belles surprises. Pourvu que ça continue…

Chagrin pour soi © Karine Letellier
Chagrin pour soi © Karine Letellier

A quel projet fou aimeriez-vous participer ?

Soyons fous : j’aimerais finir la pièce que je suis en train d’écrire, la mettre en scène et jouer dedans ! Non, jouer et mettre en scène en même temps, j’ai déjà essayé. Allez disons que le metteur en scène serait Christian Hecq. Il y aurait des comédiens-danseurs pas encore connus du grand public, mais bourrés de passion et d’humanité. Des lumières subtiles sublimeront des décors qui glissent et qui émerveillent pour nous plonger dans les années folles. Du théâtre noir avec un peu de marionnettes aussi — le combo magique par expérience ! Tout cela parsemé de chorégraphies de Sadeck Berrabah, Andréa Bescond ou François Alu, ou les trois. On le jouerait dans le monde entier pour faire connaitre cette histoire glamour-tragique. Ah oui, j’oubliais les costumes : Jacquemus peut-être ? Il a le sens de la simplicité et du grandiose à la fois. Rêvons ! Une fois, j’ai eu l’occasion de travailler un bref instant avec Alain Chabat et j’aimerais le retrouver sur un projet. Cet homme sait mettre à l’aise et faire jaillir le meilleur en nous immédiatement. Aussi jouer dans une comédie musicale, faire du drag, danser à l’Opéra, jouer un vampire, jouer un Pinter, jouer un seul-en-scène. On peut et on doit rêver ! Mais pour l’instant, les meilleurs rôles que j’ai eu la chance de défendre sortaient de mon imagination, alors, surprenez-moi ! Je suis prêt.

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?

Pour faire le portrait d’un oiseau de Jacques Prévert.

(Lisez ici notre critique de Britannicus – Tragic Circus)

Propos recueillis par Marie-Céline Nivière

Britannicus – Tragic circus, Texte, mise en scène et musique originale de Pierre Lericq.
Festival Off Avignon – Théâtre du Balcon.
38, rue Guillaume Puy 84000 Avignon.
Du 7 au 26 juillet 2023 à 19h55, relâche les 13 et 20 juillet.
Durée 1h20.

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