Créé en 1974 par Jean Guichard, ce festival, devenu l’un des grands rendez-vous de l’été, n’a depuis cessé de rayonner dans le beau département de la Mayenne, terre chargée d’histoire dans les Pays de la Loire. Du 17 juillet au 11 août, une cinquantième édition prometteuse s’annonce.
©Les Nuits de la Mayenne
Ce festival est un des tout derniers à porter en lui les promesses de la décentralisation, avec pour mission « d’offrir aux villages les plus isolés des spectacles de qualité permettant de développer le goût et le besoin de l’art » selon les mots de son créateur, le pionnier Jean Guichard (1924-2017). C’est lui qui, en 1958, posait les premières pierres de ce qui sera l’âme du Théâtre Régional des Pays de la Loire. On ne peut que vous conseiller de lire l’ouvrage fort bien documenté de photos et d’articles qu’il a écrit avec sa fille Annie : Jean Guichard, 70 ans de théâtre sans relâche ! Au vu des chiffres des quarante-neuf années précédentes qui ont vu défilé près de 263 000 spectateurs et plus 7 500 artistes, on peut parler d’une belle et grande aventure.
Un jubilé, ça se fête
Le 19 juin, nous voilà partis pour Laval, chef-lieu du département de la Mayenne, afin d’assister au spectacle conçu tout spécialement pour le cinquantenaire du festival. Trois dates étaient proposées : une pour les écoliers en matinée, une autre le soir pour les spectateurs fidèles, la dernière pour les partenaires. Les représentations ont eu lieu dans le magnifique théâtre des Ursulines, lequel qui abrite Le Carré, scène nationale et centre d’art contemporain d’intérêt national du pays de Château-Gonthier, dirigé par Maël Grenier. On s’amuse de voir déferler 350 gamins dans les jardins du cloître (ça en fait, du bruit), on s’émeut de voir arriver le soir, des adultes très attachés à leur festival et leurs enfants, les spectateurs de demain, tout à leur joie d’écouter Le Petit Prince de Saint-Exupéry, mis en musique par Jean-Pascal Beintus. L’ensemble instrumental de la Mayenne, dirigé par Chloé Meyzie, accompagnait sur de sublimes partitions Thibault de Montalembert, récitant aussi génial que le fut, en son temps, Gérard Philipe.
Ce n’est pas anodin que Mayenne Culture, association au service du rayonnement et de l’aménagement culturels de la Mayenne, ait demandé à Thibault de Montalembert d’être, en quelque sorte, le parrain de cette édition spéciale. Né à Laval, issu d’une illustre famille mayennaise descendante des premiers croisés, le comédien est un enfant du pays. « Quand j’arrive ici, je suis chez moi ! Les oiseaux, la lumière, les parfums, la nature, la gueule des gens, leur parlé, c’est dans mes fibres, dans mes gènes. C’est toujours émouvant de revenir. » Toujours en mémoire, des souvenirs du début du festival, au Château Lassay, un des fiefs de la famille. « C’était encore l’époque du système D ». Le petit garçon savait déjà qu’il voulait être comédien… ou curé. Heureusement pour nous, il a choisi la première voie. Alors lorsqu’il reçoit la proposition de célébrer Les Nuit de la Mayenne, il dit oui, tout de suite. L’autre raison ? Il adore faire des lectures. Il cite Alain Cuny : « La lecture est l’exercice ultime de l’acteur. Il n’y a pas d’intermédiaire entre le poète, l’acteur et le spectateur. » L’idée de travailler avec un orchestre le séduit. Le résultat est magnifique, et l’on ne peut qu’espérer que l’aventure aura une suite…
Que sont ces Nuits de la Mayenne…
Ancré dans son département, le festival n’en est pas moins itinérant. Arnaud Hamelin, directeur de Mayenne Culture, le rappelle lors de la conférence de presse : « c’est un festival qui va vers les gens ». Il rassemble ainsi ruraux et urbains, habitants et touristes. La Mayenne possède de beaux lieux, « Les Nuits permettent ainsi de valoriser son patrimoine ». Chaque année, les communes du département se proposent pour accueillir un spectacle dans un lieu choisi. Une place, une école, un cloître, une ferme, un champ, voire une caserne de pompiers…
En dehors de trois sites permanents (le château de Sainte-Suzanne, le musée Robert Tatin, le théâtre antique de Jublains), le festival sillonne ainsi le territoire, permettant ainsi de découvrir la région. Un terrain de jeu formidable, un champ de tous les possibles : cette année, dix-sept communes sont investies par quatorze spectacles de théâtre, de danse, d’art de rue et de cirque. Ces spectacles sont dénichés par la directrice artistique, Coralie Cavan, qui bat la campagne des théâtres comme un petit soldat. Dans sa boîte de donnée, elle cherche ensuite « ce qui ira le mieux pour le lieu choisi ». Les compagnies doivent « s’emparer du lieu, croiser l’esthétisme de leur univers avec lui ». Parfois, à l’inverse, elle propose à la compagnie de choisir son endroit. Lorsqu’un spectacle est programmé pour deux représentations, il change de site. Il n’y a pas un public mais, des publics : la programmation répond à cette variété.
Demandez le programme
L’ouverture des festivités aura lieu le 17 juillet au Château de Sainte-Suzanne, avec Perceptions de la Cie Bivouac. Suivront ensuite Les notes qui s’aiment d’André Manoukian, L’écume des jours de la Cie Les joues rouges, La chair de l’objet de DADR Cie, Maya, une voix de la Cie Les Passionnés du Rêve, Starship Groovers de la Cie Mouv’N’Brass, Émile et Angèle, correspondance de T’Atrium, Les Butors par le Cirque Hirsute, L’affaire de la rue de Lourcine par Les Modits Cie, Quand viendra la vague d’Eldorado Cie, M.O.L.I.E.R.E. de la Cie Grand Tigre, Les Locataires par le Théâtre d’Air, Roméo & Juliette par la Cie Chouchenko.
Pour cette édition anniversaire, les artistes plasticiens OPJ Cyganek et Julie Poulain ont été retenus pour participer à une résidence inédite : Paysage et Cie. L’ambition est de mettre à l’honneur les archives du festival à travers la création d’une œuvre originale. Ils seront présents à chacune des représentations, déployant des formes plus ou moins participatives, comme ces « fraises » en bois ou en plastique présentées lors des festivités du cinquantenaire.
Visites guidées
Andréane Misériaux, chargée de la communication, nous promène enfin gentiment à travers les beaux paysages locaux pour nous montrer deux sites permanents du festival. Le premier, le musée Robert Tatin est une révélation. L’œuvre de ce charpentier devenu artiste, faite de nombreuses recherches, est foisonnante et passionnante. Au lieu-dit La Frénousse, dans la commune de Cossé-le-Vivienne, existe un lieu magique où l’artiste a vécu. On découvre avec émerveillement un domaine décoré de grandes sculptures en ciment coloré, inspirées par ses voyages, ses réflexions sur le monde et les courants artistiques qui l’ont marqué. Le festival y présente chaque année des spectacles de danse. Dans ce lieu magique, tout est réuni pour que le corps, l’art et la nature ne forment qu’un tout. On vous conseille d’y faire un tour. Prenez l’option de la visite guidée, vous apprendrez beaucoup de choses.
La visite s’achève au château de Sainte-Suzanne, charmante bourgade médiévale. Un lieu à visiter, d’abord pour sa beauté mais également parce qu’on y trouve expos, un bel aperçu du patrimoine local, des paysages à la faune. Cet ancien château fort, avec son aile datant du XVIIe siècle, est propice au théâtre. Cette année, le décor ne sera pas la façade du château, mais une splendide vue sur la campagne. C’est ce qu’il fallait pour Perception, spectacle à la croisée du cirque, de la danse qui évolue sur une structure en diffraction. Durant tout le festival, les artistes plasticiens OPJ Cyganek et Julie Poulain exposeront dans la salle de la Bergerie. C’est sûr : si vous passez par la Mayenne, si vous y êtes en vacances ou si vous y habitez, votre été sera festif et culturel.
Marie-Céline Nivière – Envoyée spéciale en Mayenne
Les Nuits de la Mayenne
Du 17 juillet au 11 août 2023
Musée Robert Tatin
La Maison des Champs, 53230 Cossé-le-Vivien.
Le château Sainte Suzanne
1 Rue Fouquet de la Varenne, 53270 Sainte-Suzanne-et-Chammes.
Jean Guichard, 70 ans de théâtre sans relâche ! de Jean et Annie Guichard.
Livre édité à compte d’auteur. Il est vendu dans certaine librairie de la région, lors des soirées du festival, et à Paris, à la librairie du Coupe papier.
Prix conseillé 20 €.