L'affolement des biches © Pauline Turmel

La veillée funèbre de Marie Levavasseur célèbre la vie

Dans le Off d'Avignon, à Présence Pasteur, Marie Levavasseur présente son premier spectacle tout public, «L'affolement des biches».

L'affolement des biches © Pauline Turmel

Avec L’Affolement des biches, découvert à la Maison de la Culture d’Amiens, Marie Levavasseur propose une réflexion régénératrice sur la manière dont les vivants et les morts peuvent s’apprivoiser joyeusement. De toute beauté.

©Pauline Turmel

Avec sa compagnie Tourneboulé (depuis renommée Les Oyates), Marie Levavasseur s’était essentiellement consacrée à l’écriture jeunesse : Comment moi je, Les Enfants c’est moi et Je brûle (d’être toi). De cette période, on en retrouve quelques traces dans L’Affolement des biches, son quatrième texte, un tout public. Et on ne va pas s’en plaindre. Sa poésie ne peut que toucher l’enfant qui sommeille toujours en nous. Face à la mort d’une mère ou d’un père, nous redevenons, quel que soit notre âge, des gamins perdus.

Quand la mort s’invite
L'affolement des biches © Pauline Turmel
© Pauline Turmel

Annabelle (Marie Boitel) n’avait rien dit de la maladie qui la ronge. La jeune retraitée, plein de projets en tête, voulait maintenir des relations normales avec les siens. Alors, quand un coup de fil de l’hôpital apprend à Fluvia (Béatrice Courtois) que sa mère est morte, c’est un cataclysme. En fille aînée, elle décide, sans trop réfléchir, de faire rapatrier le corps chez elle, de faire venir toute la famille pour la veiller puis l’enterrer. Cette période allant de la fin de vie à la disparition du corps est, selon les us, les coutumes, les religions, les croyances, gérée de différentes manières. C’est le moment des larmes, celle nécessaire pour dire un ultime adieu, mais cela peut être, à travers la commémoration des souvenirs, un moment joyeux. Après, l’enterrement, il faudra apprendre à vivre sans l’autre, ce qui n’est jamais simple.

La famille d’Annabelle a des « allures joyeusement dysfonctionnelles et bancales ». Elle en porte une certaine responsabilité, évidemment. La vieille dame les regarde se retrouver, se disputer et se parler, enfin. Et dans les jours qui suivent sa mort, sa présence reste si forte qu’elle peut prendre la parole. Annabelle contemple son aînée se débattre avec les réalités, sa benjamine Rose (Morgane Vallée) râler après tout ce qu’elle peut, son cadet Elton (Yannis Bougeard) se dérober à la moindre occasion. Elle pousse Einstein (Serge Gaborieau), son ex-mari et éternel amoureux, à dire aux enfants tous les secrets de famille qui ont empoisonné leur existence. Et ainsi, sous le regard d’une pièce rapportée qui nourrit la famille, tous trouveront la possibilité de faire leur deuil du passé pour aborder l’avenir différemment.

La poésie de la jeunesse
L'affolement des biches © Pauline Turmel
© Pauline Turmel

Cette fable moderne a pour narratrice une bien belle conteuse. C’est Cahuète, la fille de Fluvia, laquelle était était attachée par un lien puissant à sa grand-mère. C’est son premier mort ! Elle a treize ans, un pied encore dans l’enfance, l’autre dans l’adolescence. Alors, ça carbure dans sa petite tête. Elle observe les adultes en silence, mais n’en pense pas moins. Elle veut une célébration digne de ce nom pour sa mamie chérie. Pas quelque chose de classique, de solennel, de trop triste et brutal, mais une fête joyeuse où chacun pourra laisser partir Annabelle, transformée en biche. On adore cette petite gamine futée et à l’imaginaire grandiose, incarnée subtilement par Zoé Pinelli. Son désir va être possible grâce à Gaëtan Defossey (Valentin Paté), un conseiller funéraire peu atypique et très fantasque qui rêve de révolutionner les pompes funèbres.

On se laisse porter par ce que Marie Levavasseur nous raconte, laissant souvent galoper le fil de notre mémoire intime. Toute la troupe est à l’unisson pour jouer impeccablement cette partition où le réel et le fantastique font bon ménage. L’autrice sait également jouer avec les images et la musique. La scénographie, signée Magali Murbach et Clémentine Dercq, est admirable. Dans ce magnifique décor où l’extérieur et l’intérieur finissent par ne faire qu’un, elle nous donne à voir l’invisible qui réside dans notre imaginaire. Et c’est très beau.

Marie-Céline Nivière

L’affolement des biches de Marie Levavasseur.
Festival Off Avignon
Présence Pasteur
13 rue du Pont Trouca
84000 Avignon
Du 7 au 28 juillet 2023 à 12h25, relâche les 11, 18, 25 juillet
Durée 1h35
A partir de 12 ans

Tournée
Du 14 au 18 novembre 2023 au Théâtre Dijon Bourgogne, CDN (21)
Janvier 2024 au Théâtre Durance, scène conventionnée de Château-Arnoux-Saint-Auban (04
)

Mise en scène Marie Levavasseur
Assistanat à la mise en scène Fanny Chevallier
Conseil dramaturgique Laurent Hatat
Scénographie Magali Murbach et Clémentine Dercq
Décor Marine Dillard
Costumes Mélanie Loisy
Musique Benjamin Collier
Lumières Hervé Gary
Régie générale et construction Sylvain Liagre

Régie son Julien Bouzillé
Avec Marie Boitel, Yannis Bougeard, Béatrice Courtois, Serge Gaborieau, Valentin Paté, Zoé Pinelli, Morgane Vallée

Teaser L’Affolement des biches © Cie Les Oyates

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