Dans le cadre du Festival Bruit, organisé par le théâtre de l’Aquarium, l’illustrateur Émeric Guémas et le musicien Jérôme Lorichon proposent un voyage immobile à travers nos imaginaires. L’un est muni de feuilles de papier, de ciseaux, l’autre joue ses compositions en direct, l’ensemble est un conte d’aujourd’hui aux confins d’une galaxie très lointaine.
© Charlotte Corman
Comment vous êtes-vous rencontré ?
Émeric Guémas : Ah! le mystère des heureuses rencontres reste entier. Ce n’est ni autour de la musique, ni autour de l’image mais autour d’une grande amie commune que l’on a fait connaissance. Puis une fois que l’on a rencontré Jérôme on ne peut plus s’en passer…
Jérôme Lorichon : Nous sommes à présent des amis de longue date, bientôt 30 ans !
Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler ensemble ?
Émeric Guémas : Jérôme m’a très rapidement fait découvrir sa musique, ses projets, que j’ai toujours pris plaisir à suivre autant que possible, ainsi que ses influences, qui m’ont à mon tour nourries. Jérôme partage beaucoup et c’est depuis tout ce temps pour moi un beau moyen de faire toutes sortes de découvertes enrichissantes. J’ai toujours aimé le volume, la scénographie, les pliages… l’idée de créer une installation ou un projet pour la scène lié à la musique de Jérôme est rapidement apparue et ainsi est née l’envie de faire quelque chose ensemble. Comme quelque chose que l’on prend plaisir à évoquer mais qui n’est pas forcé de prendre réellement forme. Mais c’est finalement venu, plus récemment, à l’occasion de quelques commandes graphiques de l’Atelier Puzzle (Rennes) en motion design pour des collectivités et quelques expositions collectives avec le collectif Marché Noir à Rennes.
Jérôme Lorichon : Émeric me traînait aussi au salon du livre jeunesse à Montreuil, on y a participé à des ateliers menés par des artistes intervenants, dont un autour de la création de film d’animation en stop motion par exemple.
Comment est né ce projet fou, Mojurzikong ?
Émeric Guémas : Ces quelques expériences ont concrétisé beaucoup de choses. En 2021, alors que je venais de faire l’acquisition de deux rétroprojecteurs dont une école de Rennes se séparait, j’ai pris connaissance de l’appel à projet pour une résidence de création lancé par Le Point Éphémère à Paris. J’ai proposé à Jérôme d’y participer. On s’est imposé pour seule contrainte de faire exister des dinosaures… Notre projet a été retenu, cela a été le point de départ.
Jérôme Lorichon : Par goût pour les vieux objets, nous avons longtemps imaginé travailler autour des robots vintages jusqu’au jour où, à l’occasion d’un concert en solo, j’ai entrepris d’imaginer une atmosphère sonore du crétacé (environ… sourires ) avec en particulier de vieux générateurs de fréquences. Alors on a retenu cette thématique pour Mojurzikong en conservant un univers rétro-futuriste et j’ai souhaité centrer les recherches sonores autour d’un Buchla (synthétiseurs modulaire conçu par Donald Buchla dans les années 60).
D’ou vient ce nom très singulier ?
Jérôme Lorrichon : Le nom est apparu avant l’histoire. Un nom que l’on a donné au projet avant qu’il ne prenne forme, avant qu’il ne devienne une histoire et pour finir qu’il devienne le personnage principal de notre aventure.
Émeric Guémas : Il est composé des syllabes extraites de titres de quelques films de genre qui ont influencé notre approche : Moby Dick, Jurassic Park, Godzilla et King Kong, initialement 20 0000 MoJurZiKong Attack. Le titre aurait pu être à rallonge, tant de films nous ont inspirés. On a regardé beaucoup de montages de longs métrages résumés en 15 min pour super 8, Jérôme en a une belle collection !
Comment avez-vous conjugué vos arts ?
Jérôme Lorrichon : Nous avons commencé dans le garage d’Émeric à Corps-Nuds (près de Rennes). On a ajouté aux rétroprojecteurs un projecteur diapo, on a gratté et peint des boucles en super 8, réparti des microcontacts… Plusieurs autres résidences de création couplées avec des présentations en public ont accéléré notre processus de travail. Toujours ensemble, côte à côte, créant des passerelles, des interactions entre nos recherches dès que cela se présentait, dans l’instant.
Émeric Guémas : Nous sommes progressivement passés d’une phase expérimentale visuelle et sonore à la construction d’un spectacle très narratif où la question de créer le scénario nous a posés bien des problèmes… On se serait lancé dans une saga, il a fallu faire des choix, beaucoup simplifier, pour en définitive tenir moins d’une heure. Cela a été rendu possible grâce à l’aide de Charlotte Corman par son regard extérieur et bien d’autres choses et la participation de mon père, Marc Guémas, pour solutionner nos envies techniques.
Jérôme : On ne savait pas dans quoi on s’embarquait… On a commencé il y a déjà deux ans et demi ! Gloups ! Le fait de traiter le spectacle en muet n’a pas simplifié les choses.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Jérôme Lorrichon : La phase de recherche libre de toute finalité a été jubilatoire. Notre plaisir à présent est de partager cette épopée, la nôtre, avec un large public. Le jeu live donne toute sa dimension à notre projet.
Émeric Guémas : Faire une tournée intergalactique !
Jérôme Lorrichon : Faire un livre-disque !? Puis mener de nouveaux projets, on en a quelques-uns en tête.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
MOJURZIKONG d’Émeric Guémas et Jérôme Lorichon
Festival BRUIT
Théâtre de l’Aquarium
Route des Champs de manœuvres
75012 Paris
Du 21 au 25 juin 2023
durée 40 minutes
Illustration d’Émeric Guémas
Musique de Jérôme Lorichon
Regard extérieur – Charlotte Corman