Formé à la Manufacture – Haute école des arts de la scène à Lausanne, sous la direction de Thomas Hauert, Pierre Piton investit le 10 juin 2023, avec son dernier solo Open/Closed, l’Atelier de Paris dans le cadre du festival June Events. Mettant au défi l’horizontalité et la verticalité des plans, il explore à travers son art les contradictions et les idéaux de sa génération qu’il qualifie « d’entre-deux », étant celle d’une utopie dystopique.
© Grégory Batardon
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Ce n’est certainement pas le premier, mais l’un des plus puissants : Kara.MI de Sakai Juku au Théâtre de la Ville en 2014 alors que j’avais 14 ans.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Avec ce choix de carrière, je souhaite rester dans un état de recherche constant et remettre ma perception des choses et du monde en question. Ce métier me permet d’interpeller les institutions culturelles sur leur rapport aux artistes. Il me donne l’occasion de contempler la politique que dégage un corps scénique et interroge/m’interroge. Je ne sais pas vraiment quel a été l’élément déclencheur de ce choix, je sais seulement qu’il est urgent pour moi de raconter des histoires en lien avec la vulnérabilité et le sensible.
Ma professeure de danse de l’époque dans la campagne charentaise a été un déclencheur dans mon choix de carrière. C’est elle qui m’a poussé à auditionner pour le CNSMDP.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être danseur et chorégraphe ?
Pour être honnête, rien dans ma vie ne m’a préparé à devenir chorégraphe. Je viens d’une famille où personne n’a de pratique artistique. J’ai grandi dans la campagne au milieu des vignes. Je ne sais pas vraiment ce qui m’a amené à choisir cette carrière. J’ai seulement suivi ma passion pour le mouvement.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Les premiers spectacles auxquels j’ai participé étaient ceux de mon école de danse. Je me souviens que ceux-ci étaient des moments d’échange et de célébration. Je me sentais galvanisée par la présence des personnes autour de moi.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Plusieurs spectacles ont été des coups de cœur et inspirations pour mon travail aujourd’hui, je peux nommer : Jaguar de Marlene Monteiro Freitas, Cutlass Spring de Dana Michel, le classique Sacre du Printemps de Pina Bausch et plus récemment Boudoir de Steven Cohen. Parmi ces choix multiples, je souhaite souligner Death Bed de Trajal Harrell que j’ai eu la chance de voir la saison dernière à la Schauspielhaus de Zürich. Ce spectacle sublime m’a fait contempler la mort d’une nouvelle manière, j’ai pu pleurer à chaudes larmes alors que les interprètes présentaient un ‘death bed’ tragique et puissant. Ce spectacle sera présenté lors du Festival d’automne cette année et je pense faire le voyage à Paris juste pour assister à une représentation.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
En 2021, j’ai pu travailler avec Isabel Lewis qui a complètement changé ma perception de ce qu’un spectacle peut offrir au public. Durant les représentations de Scalable Skeletal Escalator présenté à la Kunsthalle de Zürich, j’ai pu, pendant 2 mois, 4 heures par jour, performer afin d’adopter l’espace temporel qui s’apparente au musée. Cette expérience m’a fait comprendre la puissance d’un processus collaboratif ainsi que la pertinence des spectacles immersifs durant lesquels le public peut percevoir, sentir, entendre et être touché.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Mon métier réside dans le fait de poser des questions par le mouvement. Mon but n’est pas vraiment de trouver des réponses efficaces ou universelles, mais de proposer une vision des choses. Il est essentiel car il cons1tue une plaque instable sur laquelle le trio public, interprètes et espace sont en discussion sensorielle. Je ne cherche pas à trouver un équilibre avec ce métier, je cherche à engager une conversation par le corps et à provoquer grâce à l’empathie.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Les autres, le non-humain et l’invisible.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
C’est pas mal. J’espère, comme le dit Sarah Vanhee dans son texte The Fantastic Institution, pouvoir avec ma pratique artistique créer des trous dans lesquels on puisse se sentir bien. Des trous dans lesquels puissent exister des projets au théâtre et en dehors. Des trous de toutes formes et tailles dans lesquels des propositions artistiques de toutes formes et tailles peuvent exister. Que la scène devienne un trou bien mou où il n’est pas nécessaire d’être puissant.e.s ou brillant.e.s pour exister.
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Autour peut-être, en utilisant le super-pouvoir des hormones qui transcendent mon enveloppe corporelle.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
J’aimerais beaucoup retravailler avec Meg Stuart. J’ai aussi très envie de faire un master en chorégraphie.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
En tant qu’interprète, je rêve de pouvoir danser au Palais des Papes. En tant que chorégraphe, j’aimerais beaucoup développer une pratique collaborative hybride qui allie spectacles, performances, workshops et lectures autour d’une même pra1que et d’un même thème. Et ceci afin de créer plus de continuité au sein des projets et de donner de la durabilité aux propositions.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Venez voir Open/Closed le 10 juin à l’Atelier de Paris, ça représente bien l’œuvre qui parle de ma vie en ce moment.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Open/Closed de Pierre Piton
June Events
Atelier de Paris CDCN
Route des champs de manœuvre
75012 Paris
Chorégraphie & interprétation – Pierre Piton
Création musicale & interprétation – Simone Aubert
Création lumière de Marek Lamprecht
Costumes de Marie Bajenova
Recherche corporelle & dramaturgie – Romane Peytavin
Regard extérieur – Lucia Gugerli