C’est en 2015, au XXe théâtre, que nous avions découvert La pédagogie de l’échec de Pierre Notte, dans une mise en scène d’Alain Timár. Huit petites années après, l’auteur remonte son propre texte. Et le plus troublant, en le revoyant, est de comprendre à quel point ce récit est visionnaire.
De sa voix off enregistrée, Notte dit en prologue que son histoire se passe à une époque où le monde se serait écroulé, suite à une pandémie, un conflit, une catastrophe climatique, une crise… À la suite de quoi tout a été détruit, sauf un bureau situé au sixième étage d’un immeuble. Une situation de désolation dans laquelle un chef et son assistant vont tenter, sans trop se poser de questions, de faire comme si rien ne s’était passé et continuer bêtement à travailler. Et le plus surprenant, c’est que dans cette désolation, on monte des échafaudages pour reconstruire. Mais quoi ? Pourquoi et pour qui ?
Dans un style des plus beckettiens, maniant avec dextérité l’humour grinçant, jouant admirablement sur l’absurde, Pierre Notte signe une comédie féroce et jubilatoire sur les rapports de force qui s’exercent dans le monde de l’entreprise. Il a placé ses personnages, dans un espace minuscule, rectangle délimité par des bandes bleues. S’ils en sortent, gare à la chute ! Alors les corps se frôlent, tente de prendre des distances, dessinant une sorte de ballet qui accentue l’incongruité du contexte. Clara de Gasquet et Julian Watre (qui porte le projet sur ses épaules) ont la fraîcheur de leurs jeunesses. Elle, au bord de la crise de nerfs, et lui, maniant la mauvaise foi, incarnent bien la situation de ces êtres qui se débattent contre les incohérences dans lesquelles cette société ne cesse de nous plonger.
Marie-Céline Nivière
La pédagogie de l’échec, texte et mise en scène de Pierre Notte.
Manufacture des Abbesses
7, rue Veyron
75018 Paris.
Jusqu’au 17 juin 2023.
Du mercredi au samedi à 19h, relâche le 7 juin.
Durée 1h10.
Avec Clara de Gasquet et Julian Watre.
Lumières Antonio de Carvalho.