Émilie Peluchon ©Peter Avondo/Snobinart

Émilie Peluchon fait danser Uzès

Pour sa première édition du festival de la Maison-Danse d'Uzès, Emilie Peluchon invite les artistes à investir la ville et ses environs.

Émilie Peluchon ©Peter Avondo/Snobinart

Après avoir dirigé Danse dense, structure pantinoise dédiée à l’accompagnement des chorégraphes émergents, Émilie Peluchon s’est installée en novembre 2022 à tête du CDCN d’Uzès Gard Occitanie. Pour la première édition du festival de la Maison Danse, elle a souhaité investir la ville et ses environs, défendre la jeune création tout en mettant à l’honneur des artistes reconnus, pour un moment partagé au temps présent. 

©Peter Avondo/Snobinart

Qu’est-ce qui vous a donné envie de changer d’horizon, de quitter la région parisienne pour le sud ? 

Émilie Peluchon : J’ai vraiment adoré accompagner les artistes au début de leur parcours. C’est vraiment quelque chose de merveilleux et de passionnant d’assister à la naissance d’une œuvre, d’un ou d’une chorégraphe. Au bout de quatre années passées à Danse dense, j’avais besoin de refaire le lien avec des écritures confirmées, confronter mon regard à d’autres esthétiques et d’aller chercher des résonances dans des parcours plus avancés. Dans nos métiers, il est important d’être toujours en veille et de se nourrir autant auprès d’artistes plus installés, de voir comment évoluent les courants, d’observer la manière dans les œuvres s’écrivent et de s’intéresser aux nouvelles tendances. J’étais à un moment de ma carrière où je souhaitais accompagner une diversité de parcours et pas uniquement l’émergence et revenir à la globalité de l’art chorégraphique et des écritures. C’étaient des vœux pieux, des envies, mais rien de concret. Quand l’opportunité de candidater à La Maison Danse, le CDCN d’Uzès, s’est présentée, il y a eu comme une évidence, que cela s’inscrivait dans mon parcours. 

Qu’est-ce qui vous a plu dans ce lieu ? 

Émilie Peluchon : Le fait que ce soit un projet itinérant avait un sens très concret dans ma manière d’aborder l’art vivant. C’est quelque chose qui est depuis longtemps ancré en moi, l’idée d’aller vers l’autre et non de faire venir à soi. Par ailleurs, je reste persuadée que cela fait partie des missions du service public. Logiquement, cette démarche d’aller à la rencontre de nouveaux publics, de dépasser le cadre institutionnel, et de construire avec les autres, est aujourd’hui une nécessité. Il est important de dépasser le cercle des habitués, de faire découvrir ce qu’est la danse dans des endroits où il elle n’a pas forcément cité. Et puis, l’idée d’itinérance était aussi un des axes que ce que je proposais du projet que je portais à Danse dense. J’avais l’envie de poursuivre ce type d’initiatives. Le Gard étant un territoire rural, l’idée de créer in situ, de profiter de son patrimoine tant naturel qu’architectural, fait sens. C’est un véritable terrain de jeu, un champ de tous les possibles. C’est inspirant. Les artistes peuvent se nourrir de cet environnement exceptionnel. 

Quel est le projet que vous souhaitez défendre ? 

Émilie Peluchon : Le point de départ du projet est de travailler cette présence de l’art chorégraphique partout et d’offrir aux artistes la possibilité de créer dans ce cadre patrimonial. D’inviter la danse partout où cela est possible, dans Uzès et sur le territoire du Gard ; de faire se rencontrer des démarches contemporaines dans des lieux chargés d’histoire. Le fait de sortir de la boîte noire — il n’y en a pas à la Maison Danse d’Uzès — amène les chorégraphes de repenser leur relation avec l’environnement, mais aussi avec les habitants, qu’ils soient source d’inspiration, partie prenante au processus créatif, ou qu’ils soient des ressources. L’objectif est de travailler un tissage, de repenser le maillage territorial, d’imaginer le fait d’être ensemble et de partager. C’est la force de ce lieu, sans salle propre, de pouvoir expérimenter d’autres formes, d’être en dialogue avec la nature, avec le monde autour. Ainsi Frank Micheletti, qui est programmé en juin et qui est un artiste complice de longue date, voulait savoir s’il serait envisageable dans le cadre d’une résidence, de travailler avec une chercheuse sur son prochain spectacle. Bien sûr que c’est possible. C’est ce type de projet que je souhaite défendre, car c’est, à mon sens, l’un des premiers enjeux que je porte pour le d‘un centre de développement chorégraphique national, de permettre les expérimentations et le partage des pratiques quelles qu’elles soient. 

Pour cette première édition du festival, en tant que directrice, comment avez-vous choisi les chorégraphes invités ? 

Émilie Peluchon : J’avais besoin de repère et d’avoir une immense confiance avec les personnes que j’invitais. Ce sont donc pour la plupart des artistes que je connais, et avec qui j’ai déjà travaillé et avec qui je partage les mêmes valeurs. Et puis, les temporalités étaient assez courtes. Je suis arrivée en novembre dernier, Il a donc fallu construire une programmation assez rapidement et donc aller à l’essentiel. Ce laps temps très court ne me permettait pas d’inviter beaucoup de créations pour cette édition, car cela impliquait de s’engager un ou deux ans avant — à l’exception de la pièce Cocoeur de Clémentine Maubon et de Bastien Lefèvre. Mais la majorité des artistes invités viennent au festival pour la première fois et les pièces accueillies n’ont pas été présentées dans le Gard, ni dans la région. Ce sera donc une première pour nous. L’important pour moi, surtout actuellement, n’est pas d’avoir une exclusivité, mais bien d’accompagner les artistes aux longs cours, de permettre à une œuvre de circuler. Dans cette optique, on travaille volontiers avec Marie Didier à Marseille, avec Frédérique Latu aux Rencontres chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis, Stéphane Malfettes aux Subs et avec Anne Sauvage pour June Events. L’avantage, c’est que nous sommes sur les mêmes temporalités et que nous partageons une même vision de notre métier, avec une attention à la vie des spectacles nourrie par une pensée éco-responsable et la volonté de mutualiser les coûts.

Comment avez-vous construit votre programmation pour que le dialogue avec l’environnement se fasse ? 

Émilie Peluchon : Il était important pour moi qu’il y ait des pièces dans la ville pour permettre aux festivaliers de regarder autrement, de réinterroger l’espace public, mais aussi de redécouvrir l’incroyable architecture d’Uzès. C’est le cas de l’événement autour de Merce Cunningham porté par Ashley Chen, Anna Chirescu et Cheryl Therrien, qui sera présenté dans les rues de la cité. Je voulais aussi que la danse reprenne sa force et sa puissance dans le quotidien, qu’elle surprenne, qu’elle retrouve une dimension qui conjugue le singulier, l’étrange, le différent et le banal. Par ailleurs, il était primordial, que des propositions soient gratuites, que d’autres se fassent sous des formes déambulatoires et qu’enfin certains artistes s’emparent d’espaces naturels et végétaux. C’est le cas notamment de Marion Carriau, associée pour trois ans au CDCN, laquelle, avec sa création Chêne centenaire, a travaillé deux formes : une pour le plateau, l’autre pour l’extérieur. Après, dans mon désir d’investir le monde végétal, je suis allée chercher des formes et des artistes qui avaient déjà éprouvé cette relation particulière, c’est notamment le cas de Frank Micheletti. J’ai souhaité notamment imaginer un parcours de spectateurs, spectatrices qui permette d’appréhender le vivant autrement, de vivre une expérience de l’ordre du sensible. Dans cette optique, en plus des spectacles, nous avons imaginé, avec le centre ornithologique du Gard, une proposition d’ateliers pour aller à la découverte des espèces d’oiseaux vivants dans la vallée de l’Eure, suivie d’un DJ set autour des chants d’oiseaux et de la musique éléctro. Il y a aussi le projet de programmer une randonnée chorégraphique qui alternera marches et performances et certaines propositions seront réadaptées pour être créées in situ. Cela prend du temps, mais c’est important pour redonner au festival toute sa dimension territoriale. 

Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour cette première saison sur les festivals ?

Émilie Peluchon : Du bonheur, tout simplement. 

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Festival La Maison Danse
La Maison Danse CDCN
2 place aux herbes, 30700 Uzès

Du 7 au 11 juin 2023

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