Au Théâtre National de Nice, qu’elle dirige, Muriel Mayette-Holtz s’empare de texte culte d’A.R. Gurney, Love Letters, offrant ainsi à deux grands et beaux stradivarius, Brigitte Fossey et Jean Sorel, une magnifique partition de sentiments.
© Meghann Stanley
Love Letters d’Albert Ramsdell Gurney est l’un des textes les plus joués à Broadway et dans le monde entier. Conçu comme une lecture-spectacle, il obtient les faveurs des grandes vedettes. L’aventure a commencé en 1989 à New York avec Kathleen Turner (La guerre des Rose) et John Rubinstein. En France, nous en avons connu plusieurs versions, toutes autour d’Anouk Aimée face à différents partenaires : Bruno Kremer, Jean-Louis Trintignant, Philippe Noiret, Jacques Weber, Alain Delon et Gérard Depardieu. D’autres prirent la suite, comme Jean-Pierre Marielle et sa femme Agathe Natanson, Jean Piat et Mylène Demongeot, Francis Huster et Cristiana Reali. Le succès de cette pièce est compréhensible quand on découvre la beauté de son propos, la difficulté de grandir, d’aimer, de vieillir…
Love Letters est une photograpgie de l’Amérique, de l’Après-Guerre aux années 1980, à travers les viseurs de la grande et de la petite histoire. Les deux personnages appartiennent à l’élite américaine type, des Wasps vivant dans l’aise. Melissa Gardner est une pauvre petite fille riche et perdue. Droit dans ses boîtes, Andrew (« Andy ») Makepeace Ladd III est un fils à papa. Dès l’enfance, chez ces gens-là, on se reçoit entre soi, dans l’espoir d’une future belle union. L’enseignement des bonnes manières a lieu très tôt. Petit garçon, Andy apprend qu’il faut écrire pour remercier ; Melissa, qu’il faut répondre. C’est ainsi que commence entre entre eux cette longue correspondance. Andrew adore écrire, c’est presque obsessionnel chez lui. Sa correspondante aimerait qu’il passe par le téléphone, un moyen de communication plus moderne et surtout moins « ampoulé ». Mais il tient bon. Pendant près de 50 ans, « ils discutent de leurs espoirs et ambitions, rêves et déceptions, victoires et défaites qui se sont passés entre eux tout au long de leur vie séparée ». Et quand ils arrivent à se retrouver vraiment, c’est pour mieux se perdre.
Ils se sont tant aimés
Mettre en scène deux personnages en train de s’écrire n’est pas une chose aisée. Chacun est dans son coin, à sa table. Ce qui représente bien l’éloignement entre eux. Muriel Mayette-Holtz rend cela très vivant, rien n’est statique. D’un côté, on a Andy, avec son courrier bien en ordre et, de l’autre, Melissa qui jette ses feuilles à terre. Durant toute la lecture des lettres, la metteuse en scène utilise finement une projection d’image de Noël, représentant cette période des vœux propices aux courriers. Après la mort de Melissa, quand le chagrin étreint Andy, un bel album de photos défile, retraçant le temps qui a filé. Même si les portraits sont issus des archives de la comédienne et du comédien, ce n’est pas tant eux que l’on voit, mais bien plutôt les héros de la pièce.
Quelle joie de retrouver sur scène Jean Sorel, qui tourna avec Luis Buñuel dans Belle de Jour, Roger Vadim dans La Ronde, Luchino Visconti dans Sandra, Yves Allégret dans Germinal, Sidney Lumet dans Vu du Pont ! L’acteur a toute la bonne tenue nécessaire pour incarner un homme bien élevé. Avec lui, cet avocat devenu politicien devient le parfait petit-cousin d’un Kennedy ! De sa belle voix, Sorel rend très touchant cet être qui ne manque pas de lâchetés. Brigitte Fossey est une Melissa exceptionnelle. Avec une force dramatique remarquable, animée par les failles de son personnage, l’actrice passe de la petite fille joyeuse et malicieuse à la femme abîmée et désespérée. Comme si le bonheur n’était pas pour elle ! Il est la sagesse, elle est la tornade. Muriel Mayette-Holtz a fort bien utilisé ces caractères différents pour faire ressortir toute quintessence de cette histoire d’amour. Et c’est beau.
Marie-Céline Nivière – Envoyée spéciale à Nice
Love letters d’A. R. Gurney
Théâtre National de Nice, centre dramatique
Les Franciscains
4-6 place Saint-François
06300 Nice.
Du 16 au 19 mai 2023.
Durée 1h15.
Traduction française d’Alexia Périmony.
Mise en scène de Muriel Mayette-Holtz.
Avec Brigitte Fossey, Jean Sorel.
Lumière de Pascal Noël.
Musique de Cyril Giroux.
Décor et costumes de Muriel Mayette-Holtz.
Conception vidéo et assistante costumes Aglaé Mayette.
Bonjour,
Toujours un bonheur de vous lire !
J’aimerais savoir SVP si cette pièce que je rêve de voir sera en tournée cet été et si oui, dans quelles villes.
Merci de votre retour.